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"Un business sur l'absence de modération": après la mort de Jean Pormanove, le député Arthur Delaporte dénonce les pratiques de la plateforme Kick

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Suite à la mort de Jean Pormanove en direct sur Kick, le député PS du Calvados Arthur Delaporte a réagi à l'affaire sur BFMTV, dénonçant une pratique abusive de l'économie de l'attention.

"Plus les contenus sont choquants, plus les gens les regardent, plus les gens les partagent, et plus, potentiellement, ils donnent de l'argent." Arthur Delaporte, député PS du Calvados et président de la commission d'enquête sur les effets psychologiques de Tiktok a réagi sur BFMTV à l'affaire qui ébranle le streaming français.

Dans la nuit du 17 au 18 août, Raphaël Graven, aussi connu sous le pseudo Jean Pormanove, est mort après 10 jours de live sur la plateforme de streaming Kick où on pouvait le voir se faire frapper, insulter et harceler. L'homme y était le premier streameur français, suivi par près de 192.000 abonnés. Originaire du Sud de la France, il réalisait notamment des défis extrêmes en direct devant des milliers de spectateurs.

L'économie de l'attention

Derrière ces pratiques macabres, le député dénonce "l'économie du clic". Il s'agit d'un modèle où le principe est d'attirer un maximum d'attention sur les réseaux sociaux. "Ce qui est le plus choquant, ce qui provoque le plus de clash, ce qui est parfois scénarisé, c'est ce qui rapporte le plus", explique l'élu PS.

Les lives de Jean Pormanove, dans lesquels on pouvait le voir se faire violenter et humilier par ses co-streameurs, pouvaient ainsi compter plusieurs milliers de spectateurs en direct. Un type de contenu qu'il aurait été difficile de diffuser sur la plateforme de streaming concurrente, Twitch, en raison d'une modération beaucoup plus protectrice.

"Kick a fait son business sur l'absence de modération véritable avec, derrière, des rémunérations importantes pour les personnes en question. Et là, pour Jean Pormanove, on avait par exemple des rémunérations importantes et des gens qui donnaient pour voir ce type de contenus", raconte Arthur Delaporte.

L'élu du Calvados, qui s'est récemment intéressé au cas du réseau social Tiktok, affirme qu'il existe un public "fasciné par le morbide", très friand de ces pratiques en ligne. Il déplore ainsi "un vrai problème éthique de la part de ces plateformes qui ont surfé là-dessus pour se faire un max de pognon".

La responsabilité de Kick

Arthur Delaporte soutient que la plateforme n'aurait pas découvert ce qu'il se passe sur le compte de Jean Pormanove, "qui est le compte le plus suivi en France". Le compte X français de Kick a, à plusieurs reprises, réalisé des communications en utilisant l'image du streameur.

"Même si c'était scénarisé, il y a un devoir de protection de la dignité des personnes et aujourd'hui, il a clairement été humilié pendant des centaines d'heures et c'était inacceptable. Ce contenu aurait simplement dû être banni avec des efforts de modération", regrette Arthur Delaporte.

L'élu assure que Kick possède "une représentation en France indirecte puisqu'ils ont un compte Twitter en France". Cette présence implique de "respecter le droit français et notamment le droit pénal" et donc de mettre en place un certain degré de modération malgré la politique très permissive de la plateforme.

De son côté, Kick adresse ses condoléances aux proches de Jean Pormanove, dans un message publié sur X. Le compte français de la plateforme a ajouté que "tous les co-streamers ayant participé à cette diffusion en direct ont été bannis dans l’attente de l’enquête en cours".

Il précisera également que kick s'engage "à collaborer pleinement avec les autorités dans le cadre de ce processus" et que les contenus en français diffusés sur la plateforme feraient l'objet d'"une révision complète".

"Des failles dans l'action publique"

Le député du Calvados ne nie pas la responsabilité de l'Arcom, considérée comme le gendarme de l'audiovisuel français, pour cette faille. "Il y a eu des failles dans l'action publique puisque l'Arcom, qui avait été saisie il y a plusieurs mois, et par la LDH, et par Mediapart, n'a pas été suffisamment réactive", rappelle-t-il.

Arthur Delaporte insiste alors sur le peu de moyens alloués à l'Arcom pour réguler ce type de contenus. "Ils ont 23 personnes pour la surveillance et les sanctions plus larges sur les réseaux numériques, donc c'est évidemment insuffisant par rapport à l'ampleur des missions qui sont les leurs", explique-t-il à BFMTV.

Selon les informations de BFMTV, l'autopsie sera pratiquée demain matin. Le parquet de Nice annonce également avoir mené plusieurs auditions de personnes présentes au moment du décès, sans qu'à ce stade aucune orientation n'ait été donnée quant aux causes de la mort.

Théotim Raguet