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"Le symbole des dérives sur les plateformes": à quoi va servir la commission d'enquête sur les dérives de Tiktok?

Une commission d’enquête parlementaire sur les effets psychologiques de Tiktok sur les jeunes a été lancée ce mardi 25 mars à l’Assemblée nationale.

Une commission d’enquête parlementaire sur les effets psychologiques de Tiktok sur les jeunes a été lancée ce mardi 25 mars à l’Assemblée nationale. - ANTONIN UTZ © 2019 AFP

Une commission d’enquête parlementaire sur les effets psychologiques de Tiktok sur les jeunes a été lancée ce mardi 25 mars à l’Assemblée nationale. Arthur Delaporte, député socialiste du Calvados, a été élu président.

Tiktok devra bientôt rendre des comptes aux députés de l'Assemblée nationale. Le 13 mars, ils ont approuvé une proposition de résolution transpartisane visant à créer une commission d'enquête sur les effets psychologiques de Tiktok sur les enfants et les adolescents.

C'est le député socialiste du Calvados, Arthur Delaporte, qui a été nommé président de cette commission d'enquête parlementaire, proposée par la députée macroniste Laure Miller, qui en sera la rapporteur.

"Depuis plusieurs mois, j'ai commencé à alerter et à travailler autour des usages et des dangers des réseaux sociaux", rappelle à Tech&Co Arthur Delaporte, qui a porté en 2023, avec Stéphane Vojetta, la loi qui encadre les influenceurs. "Cette commission d'enquête s'inscrit dans la continuité de ces travaux."

Six mois de travail

Trente députés seront ainsi chargés d'étudier pendant six mois l'algorithme de l'application de vidéos courtes et les répercussions psychologiques de l'application sur les enfants et les adolescents. Pour cela, les élus envisagent de recueillir des témoignages de familles, de jeunes, mais aussi de professionnels du secteur, d'expert de la santé. Les représentants de Tiktok seront également auditionnés.

Les objectifs sont multiples. Le député espère ainsi "que les auditions permettront de poser un diagnostic sur les effets réels de Tiktok sur les jeunes", précise-t-il. "L'autre idée, c'est de voir dans quelles mesure l'application, mais aussi les influenceurs, sont conscients des impacts que leurs actions peuvent avoir sur leurs communautés." Dernière mission, et pas des moindres: "proposer des pistes de régulation pour pouvoir avancer et protéger les plus jeunes."

En effet, la plateforme est souvent pointée du doigt pour son impact sur les jeunes utilisateurs. "Le design même de l'application fait que les utilisateurs restent sur la plateforme", lance Arthur Delaporte.

"Une spirale d'enfermement"

"Tiktok a une logique de gamification. Les internautes ont l'impression d'être dans un jeu vidéo ce qui renforce le caractère addictif", observe-t-il, en prenant pour exemple les lives où les vidéastes s'affrontent pour obtenir le plus de vues de spectateurs ou de cadeaux.

L'autre point de tension, c'est celui de son algorithme de recommandation, accusé par de nombreuses études comme le plus à même d'enfermer les internautes dans un flot de contenus homogènes et répétitifs, parfois très dangereux.

Arthur Delaporte dénonce ainsi une "spirale d'enfermement pour les jeunes". "Pour certains, la plateforme va renforcer un sentiment de détresse psychique, déjà présent en amont." La Commission européenne a d'ailleurs ouvert une enquête formelle à ce sujet, en février 2024.

Et les conséquences de cet algorithme peuvent être dramatiques. Comme le rapporte FranceInfo, en mars, quatre familles françaises ont assigné Tiktok en justice, reprochant au réseau social d’avoir recommandé à des mineurs des vidéos promouvant le suicide, l’automutilation ou les troubles alimentaires. Une procédure qui vient compléter un recours collectif lancé en novembre, par sept autres familles pour des faits similaires.

"Ne pas faire le procès de Tiktok"

"Il existe énormément d'études psychologiques en cours dans le monde sur les effets de Tiktok sur la perte de sommeil, les troubles du comportement alimentaires... Cette commission va essayer d'objectiver ces données", ajoute Arthur Delaporte.

Mais le député du Calvados insiste: "L'idée, ce n'est pas de faire le procès de Tiktok." "Comme nous avons un temps limité et que le sujet est très vaste, nous avons choisi de nous focaliser sur Tiktok, qui symbolise les dérives sur les plateformes, tout en sachant que ces problématiques se retrouvent sur les autres réseaux sociaux."

Les trente députés de la commission espèrent ainsi proposer des mécanismes de régulation qui pourraient s'appliquer à l'ensemble du secteur des réseaux sociaux, par exemple des dispositifs plus poussés de vérification d'âge, ou des systèmes pour interdire l'accès de certains contenus aux mineurs.

"Tiktok applique des règles strictes pour protéger notre communauté des contenus préjudiciables et nous supprimons de manière proactive plus de 98% des contenus qui les enfreignent", rappelle de son côté un porte-parole du réseau social auprès de Tech&Co. "Nous sommes impatients d'expliquer à la commission d'enquête la façon dont nous relevons certains de ces défis, qui concernent l'ensemble du secteur.

Des mesures "insuffisantes"

L'application propose par exemple aux parents de limiter le temps d'écran de leurs enfants à 60 minutes. Des mesures jugées "insuffisantes" par Arthur Delaporte, qui rappelle que "la version chinoise de Tiktok dispose de politiques plus restrictives pour protéger ses jeunes utilisateurs que la version mondiale."

Les travaux et auditions menés durant cette commission commenceront dans les prochaines semaines. Les conclusions de la commission seront présentées au plus tard le 12 septembre prochain.

Si les recommandations du rapport sont suivies par le gouvernement, elles devront ensuite passer l'épreuve du Digital Service Actes (DSA), le règlement européen en charge de ces problématiques, chargé de "garantir un environnement en ligne sûr, prévisible et de confiance", notamment pour les mineurs.

En 2023, le Sénat avait également approuvé la création d'une commission d'enquête sur Tiktok, chargée d'étudier le fonctionnement et la "stratégie d'influence" de l'application d'origine chinoise. Le rapport avait pointé du doigt les liens du réseau social avec Pékin et la façon dont sont gérées les données personnelles de ses utilisateurs.

Salomé Ferraris