Ten Ten: l'application de "talkie-walkie" est-elle vraiment dangereuse pour les ados?

C'est un succès retentissant, auquel les créateurs de l'application Ten Ten n'étaient pas forcément préparés. Au cours des derniers jours, l'application française, qui transforme son smartphone en talkie-walkie, est au cœur de l'attention des autorités, après un million de téléchargements en France. Jugée très intrusive, elle permet en effet de parler à un contact, en temps réel, et "à voix haute", en utilisant le haut-parleur de son smartphone.
Ce 5 juin, les créateurs de Ten Ten sont ainsi reçus par le cabinet de la secrétaire d'Etat au numérique Marine Ferrari, quelques heures après une mise en garde publique du ministère de l'Intérieur. Plusieurs éléments sont évoqués. Mais les craintes sont-elles vraiment fondées?
Ten Ten collecte des données personnelles
Vrai
Selon les conditions d'utilisation de Ten Ten, l'application collecte des données personnelles, comme la plupart des applications à visée commerciale. Parmi elles "le nom, le numéro de téléphone, le nom d'utilisateur, les contacts ou d'autres informations de même nature". Des données qui peuvent être utilisées "lorsque cet usage est raisonnablement nécessaire pour atteindre nos objectifs commerciaux légitimes" précise Ten Ten sur son site.
Des objectifs commerciaux qui sont pour l'heure inconnus, l'application ne diffusant aucune publicité ciblée. Auprès du média américain Techcrunch, le fondateur de Ten Ten, Jules Comar, assure avoir "plein d'idées" pour monétiser l'application par la suite, sans toutefois dévoiler davantage de détails.
Pour fonctionner Ten Ten imposait dans un premier temps un accès total à l'ensemble des contacts de l'utilisateur. Un accès qui n'est désormais plus nécessaire, précise l'application à Tech&Co.
Lors de son installation Ten Ten impose toutefois toujours un accès au micro du smartphone (pour pouvoir parler aux autres utilisateurs), aux notifications (pour être averti lorsqu'un interlocuteur parle, y compris si l'application est fermée) et au mode "Ne pas déranger" (pour que l'application se mette en sourdine s'il est activé).
Ten Ten collecte la localisation
Faux
Toujours sur Twitter, le ministère de l'Intérieur évoque "la localisation" parmi les données personnelles collectées par Ten Ten. Une affirmation erronée, assure Ten Ten à Tech&Co. Et pour cause, aucun accès à la position GPS n'est nécessaire, et l'application Ten Ten ne fait pas partie de celles qui réclament un accès à la localisation du mobile, à l'inverse d'applications comme Tiktok, Instagram ou Snapchat.
Ten Ten ne peut pas être coupé
Faux
Malgré son caractère particulièrement intrusif, Ten Ten dispose toutefois d'options pour être coupé. Ainsi, il est possible d'activer un mode "sourdine", pour un ou plusieurs utilisateurs. Une option qui peut être temporaire ou définitive, et qui n'implique pas pour autant d'éteindre son smartphone ou de le passer en mode "Avion".
Ten Ten peut amplifier le cyberharcèlement
En partie vrai
Concernant Ten Ten, le ministère de l'Intérieur évoque un risque augmenté de harcèlement en ligne, et de mise en contact avec des individus malveillants. Une remarque en partie fondée, mais qui implique toutefois quelques précisions.
Pour contacter un internaute sur Ten Ten, deux étapes sont nécessaires. Tout d'abord, obtenir son "code PIN", une suite aléatoire de chiffres et de lettres. Contrairement aux autres réseaux sociaux ou à Whatsapp, il est donc impossible de retrouver quelqu'un par son nom ou son numéro de téléphone.
Mais ce garde-fou n'est pas toujours suffisant: sur les réseaux sociaux, et notamment sur Tiktok, nombreux sont les jeunes internautes qui partagent leur "code PIN" Ten Ten, afin de pouvoir être contacté.
Une fois le "code PIN" d'un internaute inscrit dans Ten Ten, ce dernier doit par la suite accepter la demande, afin de pouvoir être joint vocalement. Là encore, une sécurité qui dépend donc du jugement des utilisateurs, parfois très jeunes et peu informés des risques des réseaux sociaux.
Ten Ten provoque des remous dans les classes
En partie vrai
La possibilité de faire retentir soudainement sa voix sur le haut-parleur des smartphones de ses contacts est bien plus intrusive que ce que proposent des applications habituellement utilisées pour des échanges vocaux - à commencer par Whatsapp.
Avec une telle pratique, le risque d'intrusions vocales dans les classes est important. Auprès de Tech&Co, l'application assure que malgré le million de téléchargements, le phénomène est marginal.
Toutefois, Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du syndicat enseignant SNES-FSU, relève que des cas de perturbations en classe ont bien été signalés par des enseignants, sans toutefois que le phénomène ne puisse être qualifié de "lame de fond".
Auprès de Tech&Co, elle ajoute que des enseignants font souvent face à "des élèves surpris et confus n'ayant pas compris que l'application pouvait se déclencher y compris quand le téléphone est verrouillé".
"Au-delà du dérangement des cours, ce qui est frappant, c'est de voir les élèves méconnaître complètement les dangers sur la question de l'utilisation des données personnelles" conclut-elle.