Attaque d'un fourgon dans l'Eure: un mois après, où en est la traque du fugitif Mohamed Amra?

Mohamed Amra, l'homme évadé le 14 mai 2024 lors de l'attaque meurtrière d'un fourgon pénitentiaire dans l'Eure. - BFMTV
Un mois jour pour jour plus tard, la traque continue. Le 14 mai dernier, un fourgon pénitentiaire était attaqué au péage d'Incarville par des hommes armés. À son bord se trouvait Mohamed Amra, un homme de 30 ans qui a déjà fait l'objet de 13 condamnations, notamment pour des vols aggravés ou des refus d'obtempérer.
Son nom a aussi été mentionné dans des affaires de trafic de stupéfiant. Il est également visé par deux mises en examen notifiées en janvier 2022 et en septembre 2023: l'une pour tentative d'assassinat, l'autre pour complicité de meurtre avec préméditation.
Lors de l'attaque, Arnaud Garcia et Fabrice Moello, deux agents chargés de surveiller le détenu, sont abattus par balles par les assaillants. Trois de leurs collègues ont été blessés lors des échanges de tirs, alors que Mohamed Amra prenait quant à lui la fuite avec ses complices.
· Des moyens importants déployés
Le plan Épervier est activé dans la foulée de l'attaque par les forces de l'ordre, avec le déploiement de 450 policiers et gendarmes dans le département de l'Eure. Deux véhicules, utilisés lors de l'assaut, sont retrouvés brûlés à quelques kilomètres du péage le même jour.
Une notice rouge est également émise par Interpol dès le lendemain pour localiser l'évadé au cas où ce dernier parvient à quitter le pays. Lancée à la demande des autorités françaises, celle-ci vise à alerter les services de police du monde entier et leur demander leur concours pour localiser et interpeller la personne recherchée, dans l'attente de son extradition.
Car la possibilité d'une fuite de Mohamed Amra vers l'étranger est une des pistes étudiée par les enquêteurs. Il est notamment possible que celui-ci a des attaches liées au trafic de drogue en Espagne. Les frontières sont donc surveillées avec attention.
Le 21 mai, la procureure de la République de Paris Laure Beccuau affirme que "les enquêteurs ont des pistes sérieuses" sur le plateau de BFMTV. Elle évoque également une "enquête hors norme" et avance que "l'intention criminelle et homicide ne fait aucun doute dans ce dossier".
Le lendemain, lors de l'hommage national rendu aux agents pénitentiaires tués, Gabriel Attal se montre déterminé dans la traque pour retrouver les responsables de la mort des agents pénitentiaires. "Aux criminels lâches, odieux, qui ont accompli ce crime barbare je veux le dire à nouveau: ne dormez pas tranquilles", assure-t-il.
Et de compléter: "nous vous traquerons, nous vous trouverons et nous vous punirons. Le glaive de la justice ne tremblera pas".
· Des centaines d'enquêteurs encore mobilisés
Ce jeudi 13 juin, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a assuré sur BFMTV/RMC que "plusieurs centaines d'enquêteurs et le parquet de Paris" sont encore "totalement mobilisés pour qu'on le retrouve".
"On le doit à la justice, on le doit à la famille et on le doit à l'administration pénitentiaire", a-t-il poursuivi.
Le ministre de la justice a également annoncé la signature d'un un protocole pour renforcer la sécurité des agents pénitentiaire.
· Des conditions de détention qui posent question
Plusieurs dysfonctionnements ont rapidement été mis en évidence quant aux conditions de détention du fugitif. Début juin, BFMTV révélait qu'en prison, Mohamed Amra s'affranchissait de nombreuses règles.
Entre novembre 2022 et mai 2023, Mohamed Amra, détenu à la prison de la Santé à Paris, a été mis sur écoute dans le cadre d'une autre affaire. Ces écoutes ont brossé le portrait d'un homme violent, dangereux, menaçant, suffisamment important dans la hiérarchie criminelle pour pouvoir bénéficier de facilités en détention.
Ainsi, ce détenu se faisait livrer de la drogue dans sa cellule et était équipé de nombreux téléphones portables à l'aide desquels il continuait à gérer ses affaires, allant jusqu'à tenter d'acheter des fusils d'assaut depuis sa cellule ou encore jusqu'à diriger une opération d'enlèvement menée par ses complices à l'extérieur.
Au sein de sa cellule, celui qui est surnommé "La Mouche" pouvait sereinement se filmer en fumant la chicha et avait à sa disposition des téléphones.
· Une enquête ouverte pour évaluer les manquements administratifs
Par ailleurs, une femme rencontrée avant son incarcération, Nawel K., lui rendait visite sous une fausse identité au parloir.
"Elle se présente avec la carte d'identité de la sœur de Mohamed Amra. Ils vont avoir plusieurs échanges dans les parloirs, on parle de relations amoureuses très furtives ou très rapides", explique Stéphane Sellami, journaliste police-justice BFMTV.
Celle-ci est suspectée d'avoir aidé deux amis du fugitif, eux-mêmes suspectés d'avoir participé à un règlement de compte: en juin 2022, un homme originaire de Dreux avait été abattu d'une balle dans la tête.
Nawel K. a depuis été mise en examen et incarcérée aux Beaumettes, avec d'autres potentiels complices.
Le 30 mai, une enquête a été ouverte et confiée à l'Inspection générale de la justice pour évaluer les manquements administratifs qui ont émaillé l'affaire.
· Un entourage passé au crible
Le reste de l'entourage de Mohamed Amra est aussi passé au crible par les enquêteurs. Ses parents et la mère de son fils ont notamment été entendus par les enquêteurs de l'OCLCO (Office central de lutte contre le crime organisé) le jeudi 16 mai en audition libre.
Les relations des cinq évadés, qu'il s'agisse de leur entourage proche ou des délinquants qu'ils ont fréquenté au cours d'autres affaires, sont elles aussi surveillées de près. L'objectif est ainsi de déterminer vers qui les cinq complices pourraient se tourner pour les aider dans leur fuite.
Les surveillants qui ont été blessés durant l'assaut ont été auditionnés les 15 et 16 mai pour mieux déterminer les circonstances de l'attaque et le profil des membres du commando.
Un téléphone laissé dans la cellule de "La Mouche" ainsi que les véhicules brûlés après l'attaque du fourgon pénitentiaire ont aussi été analysés. Sans que cela permette pour le moment de localiser le fugitif ou d'identifier les membres du commando lui ayant permis de s'évader.