Meurtres et trafics de drogue à Marseille: pourquoi le terme de narchomicide est-il désormais utilisé?

Policiers dans les quartiers nord de Marseille. (Image d'illustration) - -
Dans la nuit du mardi 1er au mercredi 2 octobre, le corps d'un homme a été retrouvé calciné à la cité Fonscolombes, dans le 3e arrondissement de Marseille. La victime est un adolescent de 15 ans, "lardé de 50 coups de couteau" sous fond de narcotrafic. Un tueur à gages de 14 ans est alors engagé afin de le venger. Ce dernier tuera lors de sa mission Nessim Ramdane, un chauffeur VTC de 36 ans n’ayant aucun lien avec le trafic de stupéfiants.
La mort de ce conducteur, victime collatérale du trafic de drogue à Marseille, est considéré comme un nouveau "narchomicide" qui ensanglante de nouveau la deuxième ville de France.
Ce terme a fait son apparition dans le jargon juridique de la cité phocéenne dans un communiqué du parquet en septembre 2023 publié dans un contexte d'augmentation des homicides ou tentatives d'homicide en lien avec la guerre de territoire entre les trafiquants à Marseille, notamment entre les gans Yoda et DZ Mafia.
"Ce n'est pas un nouveau phénomène, mais c'est surtout pour bien rappeler que le règlement de comptes a une signification en termes policiers. On n'est pas véritablement dans la notion de règlement de comptes, mais vraiment sur des homicides liés au narcobanditisme", expliquait Dominique Laurens, lors d’un entretien à France Info en septembre 2023.
"Le meilleur terme à employer"
"Cela fait plusieurs années que l'on a une augmentation de ce qui a été qualifié par mon prédécesseur (Dominique Laurens, NDLR) de narchomicide. C’est le meilleur terme à employer, car il correspond aux homicides liés aux trafics de stupéfiants", appuyait sur le plateau de BFM Marseille Provence en décembre, Nicolas Bessone, l’actuel procureur de la République de Marseille.
Cette contraction de narcotrafic et homicide correspond à l’ensemble des morts liés au trafic de la drogue, mais sans être des règlements de compte, car cette qualification correspond à des critères policiers bien précis. Ces derniers désignent des assassinats entre groupes criminels bien identifiés, au mode opératoire professionnel, dans le but d’affaiblir un concurrent.
Depuis 2022 déjà, la préfecture de police des Bouches-du-Rhône préférait parler d'"homicides liés au trafic de stupéfiants" plutôt que de "règlements de comptes". Cette classification "ne permet plus de traduire, à elle seule, l'ensemble du phénomène des homicides ou tentatives d'homicides liés au trafic de stupéfiants", estiment les autorités.
"Alors que les règlements de compte ciblaient principalement les gérants de réseaux ou leurs proches collaborateurs, des acteurs moins haut placés sont désormais également pris pour cible, selon des modes opératoires variables", poursuivent-elles.
Des victimes pas forcément liées à un clan
Dans le cadre des narchomicides, les personnes touchées ne sont pas forcément des membres de la DZ Mafia ou d’un autre clan de trafiquants de Marseille.
"Les victimes sont simplement des gens qui sont sur des points de stupéfiants. Ils ne sont pas visés pour leur participation spécifique au trafic, mais parce qu'ils sont là simplement", expliquait Dominique Laurens.
Les morts collatérales sont aussi comprises dans ce terme. Pour prendre le dessus sur leurs rivaux, les différents clans ouvrent parfois le feu aléatoirement sur les différents points de deal pour les récupérer.
"Il s'agit de marquer par la terreur l'équipe adverse et de marquer finalement son territoire. C'est une guerre commerciale qu'ils se livrent", indiquait toujours chez nos confrères la procureure. Les morts sous les balles de ces "descentes" entrent dans la catégorie des narchomicides.
47 narchomicides ont été recensés en 2023 dans les Bouches-du-Rhône, indique le ministère public à BFMTV.