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John Galliano

FRANCOIS GUILLOT

Entre défilés spectacles, polémiques et créativité débordante, retour sur le parcours de John Galliano

Mercredi 11 décembre 2024, John Galliano, l’une des figures les plus influentes de la mode contemporaine, a annoncé son départ de Maison Margiela, après dix ans à la direction artistique de la griffe. Incarnation d'un paradoxe et génie de la mode, retour sur le parcours d'un personnage aussi clivant que fascinant.

Alors que son dernier défilé en janvier 2024 pour Maison Margiela avait mis tout le monde d'accord, John Galliano a annoncé son départ de la griffe, ce mercredi 11 décembre. Connu pour son génie et sa vision romanesque de la mode, mais aussi pour les polémiques qui ont ponctué son parcours, ce "surdoué de la mode" laissera une trace indélébile dans l'histoire de la couture.

John Galliano, créateur visionnaire

Fin janvier 2024, lors de la Fashion Week de Paris, John Galliano présentait son défilé défilé haute couture printemps-été 2024. Sous le pont Alexandre III, les silhouettes déambulent comme des marionnettes désarticulées dans une atmosphère aussi pesante qu'électrique.

John Galliano pour Maison Margiela
John Galliano pour Maison Margiela © Maison Margiela

Sur le podium, c'est tout l'art de Galliano qui se déploie. Loin des codes traditionnels, il découpe au scalpel les pièces couture, célèbre les tailles marquées, les détails historiques et prône un érotisme assumé. Un ADN conceptuel qu'il présente ici pour Maison Margiela, mais qui lui colle à la peau depuis ses débuts dans la mode.

John Galliano
John Galliano © PHILIPPE LOPEZ

Né à Gibraltar en 1960, John Charles Galliano a grandi à Londres, où il a développé un style flamboyant qui mêle sensibilité théâtrale et technique impeccable. Diplômé de la prestigieuse Central Saint Martins en 1984, il s'est rapidement imposé comme un créateur visionnaire, transformant des inspirations historiques en spectacles modernes. Sa capacité à raconter des histoires complexes à travers ses collections l'a propulsé au sommet de la mode.

Carla Bruni, Givenchy par John Galliano, 1994
Carla Bruni, Givenchy par John Galliano, 1994 © GERARD JULIEN

Après des débuts prometteurs chez Givenchy, où il ressuscitera un certain désir pour cette griffe quelque peu endormie, il prend les rênes de Christian Dior en 1996, devenant ainsi le premier Britannique à diriger cette maison française emblématique. Et c'est alors que la magie Galliano opère.

John Galliano, Bernard Arnault, Dior, 1998
John Galliano, Bernard Arnault, Dior, 1998 © KAZUHIRO NOG

Les années Dior: opulence, succès et descente aux enfers

Pendant 15 ans, le créateur va propulser la griffe comme une référence, oscillant entre maximalisme et romantisme dramatique. On retiendra notamment des collections devenues mythiques, comme le premier défilé haute couture printemps-été 97 pour Dior, où les corsets recouverts de perles côtoient la transparence et les imprimés animaliers et les colliers Massaï (qui inspireront même les bouchons des parfums J'adore de Dior, créés en 1999).

John Galliano, Dior, 1997
John Galliano, Dior, 1997 © PIERRE VERDY

En 2007, il marque à nouveau les esprits avec son défilé Le Bal des artistes, à travers lequel il rend hommage à l'âge d'or de la couture. Taffetas, dorures, couvre-chefs trompe l'oeil et robe exubérantes enchantent le public et confirment un peu plus le sens du style du designer britannique. Théâtral, dramatique et borderline.

John Galliano, Dior, 2007
John Galliano, Dior, 2007 © AFP
John Galliano, Dior, 2007
John Galliano, Dior, 2007 © AFP

Cependant, alors qu'elle est au firmament, la carrière de John Galliano connaît un tournant brutal. En 2011, à la suite d'un scandale lié à ses propos antisémites, il est licencié de la maison Dior et condamné en justice à 6.000 euros d'amende avec sursis. Le créateur, profondément marqué, est contraint à une pause forcée. Alcoolique, John Galliano entame alors un long combat contre ses addictions.

La renaissance chez Maison Margiela

En 2014, Maison Margiela offre à John Galliano une chance de revenir sous les projecteurs, mais dans un registre différent. Célèbre pour son approche radicale et déconstructiviste, la griffe semble alors un cadre improbable pour le style opulent de Galliano. Et pourtant... Réinterprétant le vocabulaire de Margiela tout en y injectant sa touche dramatique, John Galliano réussit à réconcilier à merveille ces deux visions.

Maison Margiela, John Galliano, 2024
Maison Margiela, John Galliano, 2024 © Maison Margiela

S'ensuivent alors 10 ans de collections puissantes, extrêmement pointues, redéfinissant la couture contemporaine en mêlant sophistication et expérimentation. Loin des silhouettes "copier-coller", Galliano pour Margiela est un souffle d'air frais dans une industrie qui manque parfois cruellement de créativité. Sous sa direction, Maison Margiela devient alors un incubateur d’idées novatrices, réconciliant l’art et la fonctionnalité.

Point d'orgue de cette vision, le défilé Maison Margiela Artisanal de 2024 lors de la Fashion Week. Un catwalk comme bouquet final, une manière pour Galliano de tirer sa révérence, entre humilité, créativité débordante et sens du spectacle.

Si le départ de Galliano annoncé ce mercredi marque la fin d’un chapitre, on ne peut croire qu'il s'agisse de la fin de l’histoire. Que ce soit dans un cadre institutionnel ou plus libre, tout le monde attend avec impatience la prochaine étape du parcours de celui qui faisait de ses défilés de véritables spectacles et qui a su honorer la mode comme peu savent le faire.

Juliette Weiss