Des cris, des verres levés, une note de 3,2 sur 5 pour Saint Laurent... À Paris, les recalés des défilés se réunissent pour vivre la fashion week comme des supporters de foot

Oubliés les front row, les listings VIP et les after show élitistes. Désormais, à Paris, la Fashion Week se vit sur grand écran, entourée de passionnés. Baptisé "Watch Party", ce concept qui réunit des milliers de fans de mode venus regarder les shows à la TV, transforme l'événement en véritable expérience festive, à mille lieues des ambiances traditionnelles. Plus que jamais, la mode descend dans la rue.

Des cris, des verres levés et des salves d'applaudissements, la scène évoque un match de football, et pourtant, c'est de défilé de mode dont il est question. En organisant des retransmissions géantes et gratuites, un influenceur démocratise la Fashion Week et donne à la mode des airs de finale de Coupe du monde.

La Fashion Week comme un match de foot

Alors que la Fashion Week bat son plein, La Caserne, lieu dédié à la mode dans le Xe arrondissement, accueille un événement inédit et gratuit: une "watch party", qui consiste à réunir des passionnés pour regarder les défilés.

"Ouhouuu !", crie avec ferveur la foule rassemblée, les yeux rivés sur l'écran géant en forme de MacBook où défile la nouvelle collection Courrèges, un verre à la main. Derrière le concept, un influenceur français de 26 ans, suivi par 368.000 abonnés sur Instagram et 285.000 sur TikTok.

"Le but, c'est vraiment de démocratiser un milieu basé sur l'élitisme et de rendre le truc hyper inclusif", explique Lyas, Elias Medini, de son vrai nom. Son idée est née d'une frustration: pas invité au premier défilé Dior Homme de Jonathan Anderson en juin, Lyas organise sa propre retransmission dans son bar de quartier.

"J'avais très envie de voir ce défilé, mais pas tout seul", explique-t-il.

Elias Medini © Elias Medini

Résultat: 350 personnes se sont déplacées pour commenter les premières créations du couturier nord-irlandais. Fort de ce succès, Lyas a développé son concept pour être prêt pour la rentrée.

Démocratiser un événement jugé "trop élitiste"

Ses événements sont financés en grande partie par des partenariats avec des grandes marques, notamment les cosmétiques Mac, et il s'est adjoint les services de l'agence de communication Lucien Pagès, bien connue dans le monde de la mode. Après une "watch party" pendant la Fashion Week de Londres et deux à Milan, il s'est installé à La Caserne, qui peut accueillir jusqu'à 1.200 personnes. Chaque jour de la semaine de la mode parisienne, un ou deux défilés sont diffusés en direct, parmi lesquels Balenciaga et Loewe mais surtout les très attendus shows Dior et Chanel.

"Souvent il y a des événements pour les fans de foot, mais jamais rien pour les amoureux de la mode", assure Agathe, créatrice de contenus de 26 ans, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille.

Ici, pas de carton d'invitation ni de premier rang: tout le monde est logé à la même enseigne, premier arrivé, premier servi. "Je trouve ça génial (...) Il n'y a qu'à Paris et pendant la Fashion Week que ça peut arriver", estime de son côté Mateus Rodrigues, journaliste brésilien de 27 ans.

QR code géant et notation en direct

L'organisateur propose plusieurs jeux pour offrir des cadeaux aux participants avant le coup d'envoi du défilé. Aldo remporte ainsi une place pour le défilé Courrèges. Après avoir trouvé la paire de lunettes envoyée par la marque en guise d'invitation, il grimpe sur un taxi-moto pour rejoindre le show. Lou-Agathe, une artiste de 18 ans qui suit d'ordinaire tous les défilés sur les réseaux sociaux, remporte un blouson après une chorégraphie sur "I Will Survive" de Gloria Gaynor.

"Je suis complètement choquée. C'est juste exceptionnel!", s'enthousiasme-t-elle. "C'est une chance énorme pour nous qui n'avons pas la chance d'aller dans ces défilés", ajoute cette fan d'Yves Saint Laurent.

Après l'attente, à 19h10, le défilé commence enfin. Les plus chanceux s'installent sur des canapés aux côtés de Lyas, d'autres s'assoient par terre ou restent debout. Certaines silhouettes font plus l'unanimité que d'autres, mais globalement la collection convainc. Grâce à un QR code sur l'écran géant, les participants votent en ligne: la note moyenne est de 3,8/5, mieux que le défilé Saint Laurent, qui avait récolté 3,2 points la veille.

19h40, fin du défilé. Les participants se ruent sur Lyas pour le remercier avant de rentrer chez eux. Avec la certitude que désormais la Fashion Week ne se limite plus aux premiers rangs.

Juliette Weiss avec AFP