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Loi "Airbnb" adoptée: la location de courte durée sera-t-elle toujours rentable pour les investisseurs?

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La proposition de loi, définitivement adoptée par l'Assemblée, prévoit de raboter l'avantage fiscal accordé aux loueurs de meublés touristiques. Mais selon plusieurs experts, elle n'aura que peu d'impact sur la rentabilité.

La proposition de loi visant à réguler les locations de courte durée vient d'être officiellement adoptée par l'Assemblée nationale ce jeudi 7 novembre. Elle avait fait l'objet d'un compromis en commission mixte paritaire, avant d'être votée par le Sénat.

Elle comporte un certain nombre d'outils, à disposition des maires, afin d'encadrer au mieux la location de courte durée sur les plateformes. Elle prévoit aussi une modification de la fiscalité qui s'applique aux meublés de tourisme. Dans ce contexte, la mise en location d'un appartement sur Airbnb sera-t-elle encore rentable pour les investisseurs?

Pour le savoir, il faut bien comprendre les dispositions de cette loi. Un propriétaire qui loue son appartement sur une plateforme a le choix entre le régime micro-BIC, pour lequel la déclaration est simplifiée, et le régime réel, qui implique plus de paperasse.

Ainsi la proposition de loi modifie l'abattement dont bénéficient les loueurs de meublés touristiques au régime micro-BIC. Il passe ainsi de 71% à 50% pour les meublés classés, et de 50% à 30% pour les meublés non-classés.

Sauf que la plupart des investisseurs ne choisissent pas ce régime, selon Bassel Abedi, fondateur d'Horiz.io, une entreprise spécialisée dans la rentabilité locative. "Il n'y a que les particuliers, qui font du Airbnb de façon occasionnelle, qui choisissent le micro-BIC, les investisseurs sont au régime réel, qui est bien plus intéressant fiscalement", assure-t-il.

"Ce changement de fiscalité ne va pas inciter ces particuliers à louer leur logement de manière durable à un étudiant ou à une famille, puisqu'il s'agit de leur résidence principale ou secondaire, elle n'est donc pas disponible toute l'année", poursuit Bassel Abedi.

Un arsenal réglementaire à disposition des maires

Selon Baptiste Bochart, juriste chez Je-déclare-mon-meublé.com, il va plutôt encourager ceux qui sont au régime micro-BIC à passer au régime réel, mais sans changer d'activité. L'effet sur la rentabilité semble donc très limité.

"Le coeur de cette loi, c’est plutôt l’arsenal réglementaire", estime Baptiste Bochart.

Les maires disposeront en effet d'un certain nombre d'outils pour réguler la location de courte durée. Ils pourront notamment obliger les propriétaires à demander un changement d'usage pour faire passer un logement du statut d'habitation au statut de local commercial (pour faire de la location touristique). Ce changement d'usage pourra être refusé ou soumis à compensation. Des quotas de meublés touristiques par quartier pourront aussi être mis ne place.

Enfin, la loi prévoit que les meublés touristiques soient également soumis au calendrier de rénovation énergétique, qui interdit la location des passoires thermiques classées G au 1er janvier 2025.

Il en sera dorénavant de même pour les nouveaux meublés touristiques. Pour les anciens, un délai de 10 ans est accordé. Pour Baptiste Bochart, cette mesure devrait être un argument de plus pour inciter les propriétaires à passer au régime réel. Les frais liés aux travaux de rénovation énergétique pourront ainsi être déduits au titre de l'amortissement.

Comment favoriser la location non-meublée?

Ainsi c'est plutôt à l'arsenal réglementaire à disposition des maires que les investisseurs doivent faire attention. Côté fiscalité, l'impact de la loi sera vraisemblablement limité puisqu'elle ne touche que le régime micro-BIC.

Visiblement conscient de cette lacune, le gouvernement a décidé de s'attaquer également au régime réel, via un autre dispositif législatif. Le projet de loi de finances propose ainsi de réduire un des avantages accordés aux loueurs meublés non-professionnels (LMNP) au régime réel.

Sous ce statut, on retrouve des locations de longue et courte durée, pour peu qu'elles soient équipées des meubles nécessaires. Elles disposent d'un avantage considérable par rapport à la location nue.

Non seulement la majorité des propriétaires ne sont pas taxés sur les revenus locatifs grâce au système de l'amortissement, mais les sommes amorties peuvent aussi être déduites de la plus-value réalisée au moment de la revente.

Cette disposition propose que ces sommes soient réintégrées afin d'être taxées. Mais là encore, Baptiste Bochart estime que la mesure aura un impact limité sur les investisseurs. Déjà, parce que les effets ne se feront sentir qu'à la revente du bien.

"Ensuite, cette mesure ne vaut qu'en cas de vente, or beaucoup de biens en location meublée font l'objet d'une donation ou d'une succession et à ce moment-là, il n'y a pas de plus-value", explique-t-il.

Par ailleurs, la fiscalité sur la plus-value n'est pas automatique. Plus vous gardez votre bien longtemps, plus elle est dégressive au fil des années, et une exonération complète est prévue au bout de 22 ans pour l'impôt sur la plus-value et au bout de 30 ans pour les prélèvements sociaux.

Ainsi, au régime réel, la location en courte durée et la location meublée restent plus rentables pour les investisseurs que la location nue. Et même un autre amendement, qui ambitionne de rendre la location non-meublée plus attractive, n'y changerait pas grand-chose. Il propose de faire passer l'abattement au régime micro-foncier de 30% à 50%.

"Mais là encore, la location meublée au régime réel, via le système des amortissements, resterait plus avantageuse. Le seul argument qui pousse aujourd'hui les investisseurs à faire de la location nue est que les locataires restent généralement plus longtemps dans le logement qu'en location meublée", conclut Baptiste Bochart.

Marine Cardot