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“Grand Ours de Wall Street”: la mythique histoire de Jesse Livermore, trader devenu riche grâce au krach de 1929

Jesse Livermore

Jesse Livermore - CC

Surnommé le “Grand Ours de Wall Street”, Jesse Livermore a bâti sa fortune sur les deux crises financières majeures, dont le krach de 1929.

Que faisiez-vous à 14 ans? Jesse Livermore, lui, était déjà trader. Issu d’une modeste famille de fermiers du Massachusetts, le petit génie aspire à un autre destin. Dès trois ans et demi, il maîtrise lecture et écriture, plongeant dans les journaux financiers avant même ses six ans.

Son père, souhaitant en faire un agriculteur, le retire de l'école à 14 ans. Mais pour Jesse, il n’en est pas question. Déterminé à suivre un autre chemin, il reçoit le soutien de sa mère et quitte le foyer. Au revoir la ferme, bonjour Boston. C’est le début de sa carrière.

À Boston, il intègre Paine Webber & Co - bureau de la maison de courtage - comme “board boy”. Concrètement, pour la modique somme de 5 dollars par semaine, il affiche les cours de la Bourse sur un tableau noir.

De 5 dollars à 100 millions

C'est dans les populaires "Buckets Shops" que Jesse se distingue. Ces établissements, loin d'être des Bourses traditionnelles, permettent de parier sur les fluctuations des actions. Avec quelques dollars seulement, Jesse commence à spéculer. 5 dollars misés, 3,12 dollars gagnés: voici comment l’apprenti trader transforme astucieusement son salaire hebdomadaire.

Au fil des paris, il y acquiert une habileté remarquable à prévoir les mouvements du marché. Ironie du sort: Jesse y gagne tant qu'il se voit interdit d'entrée dans ces magasins, victime de son propre succès. Il en vient même à utiliser des déguisements pour continuer à parier. Mais sa stratégie tourne en échec. Direction New York, à présent, et surtout Wall Street.

Là, il développe toutes ses stratégies de trading, à l’encontre des recommandations financières de l’époque. Lors d’un voyage à Palm Beach, il est traversé par une forte intuition. S’il revendait à découvert les actions de l’Union Pacific, en forte hausse à ce moment-là? Idée étrange, peut-être, sauf quand l’Union Pacific est frappée par un important tremblement de terre à San Francisco. Résultat, chute substantielle de l’action, et Livermore gagne 250.000 dollars.

Dans cet élan, Jesse empoche 3 millions de dollars en une seule journée durant la panique bancaire de 1907 aux États-Unis.

À l'époque, il est possible d’emprunter très facilement de l’argent pour acheter des actions à crédit. Repérant les vulnérabilités des marchés, Jesse prend la décision risquée de vendre à découvert, c'est-à-dire de vendre des actions qu'il ne possède pas encore, pariant sur leur baisse future. Lors de l’effondrement du marché, il rachète ces actions à moindre coût et réalise ainsi un profit considérable.

Le trader finit par perdre une grande partie de ses gains précédemment accumulés. Sur le conseil d'un négociant, il achète massivement du coton. Une vente secrète provoque une chute des prix et lui coûte 90% de ses gains de 1907.

1929, krach boursier: Jesse Livermore décroche le jackpot. Il ne gagne pas moins de 100 millions de dollars. Sa stratégie? Des ventes à découvert massives, lancées dès que le Dow Jones atteint son pic à 381 points le 3 septembre. La population américaine se ruine, et Jesse vient de réaliser son plus grand bénéfice.

L’argent ne fait pas le bonheur

Si tout va bien dans son porte monnaie, on ne peut pas en dire de même pour sa vie privée. Le public l’accuse à tort d’avoir commandité le krach de 1929. "Imbéciles. Les imbéciles qui pensent que j'ai pu mettre un marché entier à genoux. Impossible !”, répond-il à ces accusations lors d’une interview.

Ses succès le conduisent à mener une vie outrancière : achats de yachts, de villas, virée régulière dans des clubs exclusifs… Cerise sur le gâteau, il se désintéresse des marchés financiers et termine ses jours avec 5 millions de dollars.

En 1940, il se suicide en laissant une note poignante: "J'ai gagné et perdu des millions de dollars, mais je n'ai jamais été heureux."

Romy Azoulay