TOUT COMPRENDRE - Que contient le projet de loi visant la suppression de la publicité pour les produits polluants?

Le secteur de la publicité redoute une révolution culturelle. - Martin BUREAU / AFP
Le secteur de la publicité redoute une révolution culturelle. Ce mercredi, le député écologiste Matthieu Orphelin (EDS, ex-LaRem) a déposé ce mercredi sa proposition de loi devant la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale. Elle vise notamment à supprimer progressivement la publicité pour les produits polluants et serait soumise au vote le 8 octobre.
Le texte a finalement été rejeté "la majorité et la droite font le choix de ne pas légiférer, préférant laisser le temps au temps, inciter plutôt qu’encadrer", se désole le député. Mais la question risque de revenir au menu des députés à travers un projet de loi du gouvernement.
> Pourquoi maintenant?
Il semble que Matthieu Orphelin veuille prendre de vitesse le gouvernement. La régulation de la publicité pour ce type de produits fait partie des 146 sur 149 propositions retenues par le gouvernement de la convention citoyenne pour le climat.
Mais le député estime que le gouvernement ne tient pas ses promesses. Dans une tribune co-écrite avec le maire EELV de Grenoble Eric Piolle, il dénonce "le détricotage" par le gouvernement des mesures mises sur la table par la convention et un recul sur le sujet de la publicité.
> Que contient le texte?
Il prévoit l'interdiction progressive, entre 2022 et 2032, de la publicité pour les produits et services les plus polluants sur tous les médias (presse, TV, radio, Internet, affichage).
Sont concernés:
- les véhicules particuliers les plus émetteurs, afin d’interdire dès 2022 la publicité pour les véhicules malussés, puis dans un court délai la publicité portant sur les véhicules émettant davantage de gaz à effet de serre que le seuil européen fixé aux constructeurs automobiles,
- suivie de la publicité pour tous les véhicules essence et diesel,
- et enfin dans un délai inférieur à 10 ans la publicité sur tous les véhicules autres que les véhicules propres tels que les véhicules électriques.
- Pourrait également être prévue la régulation de la publicité portant sur les produits électroménagers les plus consommateurs d’énergie.
- la publicité portant sur des liaisons aériennes pourrait être organisée lorsque ces vols sont substituables par un trajet en train d’une durée inférieure à 4 h 30, dans le cas de liaisons domestiques quel que soit le lieu de départ, ainsi que dans le cas de liaisons internationales au départ de Paris.
- la publicité pour les vols à forte intensité de transport pourrait disparaître progressivement, c’est‑à‑dire la publicité pour des vols long‑courrier ou des offres de voyage incluant un vol long‑courrier pour un séjour sur place de moins de 15 jours.
- la publicité pour les produits à fort impact environnemental global sur l’ensemble de leur cycle de vie serait limitée.
- L'interdiction de la publicité pour les aliments ayant un fort impact environnemental a néanmoins disparu du texte.
Le projet de loi (article 3) propose également l'interdiction et le retrait progressif de l'affichage digital dans l'espace public.
> Ce texte est-il applicable?
Oui et non. Concernant le secteur automobile, la réglementation impose aux constructeurs de communiquer les émissions en CO2 ce qui permet de déterminer facilement quels sont les véhicules particuliers les plus émetteurs et donc d'interdire les publicités associées.
Pour les autres secteurs (voyages, aérien, les produits à fort impact environnemental) comment déterminer qui est hors des clous ou pas? La mise en place d'un "CO2 score" (comme le Nutriscore dans l'alimentation) est très long à mettre en place et on voit mal les secteurs concernés ne pas s'opposer à une telle évaluation.
> Quelles conséquences pour le secteur de la publicité et des médias
Pour les médias, déjà fragilisés, les pertes seraient considérables. L'automobile ou l'aérien sont d'importants annonceurs. Les investissements annuels bruts de ces secteurs sont évalués à 5 milliards d'euros. Un syndicat évalue les pertes de recettes à 20 à 30% selon les médias.
Pour le secteur de la publicité, de telles interdiction sonneraient comme un nouveau tremblement de terre après le cataclysme provoqué par le covid avec (rien que pour la télévision) une perte d'1 milliard d'euros par an (selon le syndicat national de la publicité télévisé).
> Ce texte a-t-il une chance d'être adopté?
Difficile à dire. Officiellement, le gouvernement a bel et bien retenu la proposition de régulation de la publicité pour les produits polluants issue de la convention citoyenne.
Surtout que dans le même temps, Barbara Pompili, a ministre de Transition écologique prépare également un texte de loi visant à encadrer, les spots de publicité pour des produits jugés nuisibles pour l'environnement ou la santé.
Le texte serait moins brutal que celui de Matthieu Orphelin. Il n'y aurait pas de liste de produits appelés à être interdits de publicité, mais plus une régulation du secteur selon des critères environnementaux et un encadrement avec par exemple l'obligation d'un avertissement sur les spots de produits polluants.
Mais les critères devront être objectifs: il faudra donc attendre là encore la mise en place du C02 score, qui n'en est qu'à ses balbutiements. Des interdictions pure et simple ne sont pas à exclure, mais dans un premier temps, elles devraient se limiter aux secteurs dont l'impact environnemental est déjà précisément mesuré : c'est le cas de l'automobile.
Ce projet de loi devrait être déposé à l'automne. On pourrait alors penser que la proposition de loi de Matthieu Orphelin serve de cadre au projet de loi du gouvernement.
D'ailleurs, le texte du député Écologie Démocratie Solidarité précise bien que la "régulation progressive de la publicité sur les différents produits et services les plus polluants, (est) à préciser par décret". Manière in fine de donner la main au gouvernement.