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Swift: pourquoi les Européens sont divisés sur l'exclusion de la Russie du réseau interbancaire

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Après avoir brandi cette menace, ni les Etats-Unis, ni les Européens ne semblent décidés à déclencher cette sanction. A commencer par l'Allemagne qui craint des répercussions sur ses approvisionnements en gaz.

The Economist l'avait surnommé "la mère de toutes les sanctions". Mais si le pire des scénarios est arrivé – l'invasion par la Russie de la totalité du territoire ukrainien -, ni les Etats-Unis ni l'Europe ne sont encore décidé à la déclencher.

"Toutes les options sont sur la table" ont répété le président américain Joe Biden, puis les ministres français et allemand Bruno Le Maire et Christian Lindner. Une façon de dire qu'il n'existe pas d'unanimité sur la question.

Cette bombe financière, c'est le débranchement de la Russie du réseau Swift, le système de transferts d'informations financières le plus utilisé au monde. Acronyme de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications, Swift fluidifie les paiements interbancaires transfrontaliers en transmettant l'information de débit et de crédit aux deux banques en relation lors d'une transaction.

Des transferts plus complexes et plus coûteux

Concrètement lorsque Engie achète pour 1000 euros de gaz à Gazprom, la banque de l'entreprise française débite le montant et transmet l'information à Swift qui envoie l'ordre de paiement à la banque du gazier russe. Cette dernière le réalise quelques jours plus tard.

Exclure la Russie de ce réseau serait dévastateur pour l'économie indique une note du Carnegie Moscow Center, qui prend en exemple le cas iranien. "La coupure mettrait fin à toutes les transactions internationales, déclencherait la volatilité des devises et provoquerait des sorties massives de capitaux."

En réalité, ce rendrait surtout les transferts plus complexes et plus coûteux. Surtout, cela pénaliserait aussi les entreprises européennes installées en Russie, notamment les banques comme Société Générale. En réalité, plusieurs pays européens sont encore très réticents: l'Allemagne, l'Autriche ou encore l'Italie.

"Pas une catastrophe"

Interrogé sur la télévision allemande, le ministre des Finances allemand, Christian Lindner, a prévenu qu'une exclusion de la Russie du Swift entrainerait "un risque élevé" que "l'Allemagne ne soit plus approvisionnée en gaz ou en matières premières". Or la moitié du gaz importé dans le pays vient de Russie.

Une prise de position critiquée ouvertement par le Premier ministre britannique Boris Johnson qui a souligné que "l'inaction ou la sous-réaction occidentale aurait des conséquences impensables".

Pour les sceptiques, l'exclusion du réseau Swift n'aurait pas l'impact espéré puisque Moscou a créé son propre système de transactions dans cette perspective. "Ce sera plus difficile, c'est évident, mais ce ne sera pas une catastrophe" résumait l'ancien président russe Dmitri Medvedev à l'agence de presse Tass.

Autre argument, cette exclusion ne ferait que renforcer le système d'échanges chinois alors que Moscou a opéré un virage économique vers son voisin asiatique depuis une dizaine d'années.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business