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Smic à 1500 euros: "Gare à la "smicardisation" de la société"

Le Smic sera augmenté de 0,99% au 1er janvier pour atteindre 1.554,58 euros brut par mois, soit une hausse de 15 euros

Le Smic sera augmenté de 0,99% au 1er janvier pour atteindre 1.554,58 euros brut par mois, soit une hausse de 15 euros - PHILIPPE HUGUEN © 2019 AFP

Invité sur BFMTV, l'économiste Daniel Cohen pointe le risque d'une hausse trop importante du Smic qui pousserait un grand nombre de salariés au salaire minimum.

Le Smic à 1500 euros net, c'est la proposition formulée ce dimanche par Jean-Luc Mélenchon dans le cadre de la campagne des législatives. Alors que l'inflation frôle les 5% et devrait continuer à progresser en France, le chef de fil de la Nupes prévoit une augmentation du salaire minimum de 15% par rapport à l'évolution du niveau des prix.

Une mesure qui aurait des effets pervers si l'ensemble des salaires ne suivaient pas la même hausse, estime l'économiste Daniel Cohen, invité ce lundi sur BFMTV.

"L'impact si ce n'est pas accompagné d'une augmentation des autres salaires, ça veut dire qu'on va avoir une "smicardisation" croissante de la population française, craint-il. Soit tout le monde augmente, soit on se retrouve avec tout le monde au minimum. Moi je suis plus favorable à une réflexion sur les bas salaires, quelles sont les branches qui peuvent se permettre de les augmenter, dans quelles branches le gouvernement a besoin d'intervenir pour faire que cette augmentation de salaire se fasse."

En France, selon la Dares, 12% des salariés étaient payés au Smic en 2021. Une proportion qui a baissé depuis 2019 (13,4%). L'évolution du nombre de salariés payés au Smic dépend essentiellement de la progression de ce salaire minimum légal. Quand le Smic augmente fortement, il concerne davantage de personnes qui étaient juste au-dessus auparavant. D'où le risque de "smicardisation" pointé par Daniel Cohen en cas de forte hausse de 200 euros souhaitée par Jean-Luc Mélenchon.

Hausses de 3%

"De toute façon le Smic est indexé, les Smicards sont la seule catégorie de la population aujourd'hui qui sont "protégés", rappelle Daniel Cohen. Mais il ne faut pas qu'on aille vers une smicardisation générale de la France, il faut que ça se fasse dans un cadre concerté."

L'économiste estime que c'est par la négociation dans les branches et les entreprises que doivent passer ces hausses de salaires plus que par une hausse générale du salaire minimum qui aurait l'inconvénient d'aligner le plus grand nombre par le bas.

Selon la Banque de France, "les négociations de salaire de branche pour 2022 se sont jusqu’ici généralement conclues par des hausses de salaire autour de 3 % alors qu’elles étaient plus proches de 1 % ces dernières années".

Selon la Dares, le salaire mensuel de base (qui ne comprend ni les primes ni les heures supplémentaires) a bien progressé sur un an de 2,3 % au premier trimestre, mais cela reste inférieur à la hausse des prix de 4,6 % sur la même période.

Pour permettre une hausse globale des salaires, certains candidats comme François Ruffin de La France Insoumise propose de réindexer les salaires sur l'évolution des prix. Indexation qui a été abandonnée en 1983 avec le tournant de la rigueur socialiste.

Si la Banque centrale européenne (BCE) est opposée à une telle indexation - qui n’est guère pratiquée en Europe, sauf en Belgique et au Luxembourg selon des modalités différentes -, c’est par crainte d’une spirale inflationniste, quand les hausses de salaires sont répercutées sur les prix par les entreprises.

"Le risque serait alors de basculer vers une inflation durable et généralisée de 10-15 % qui ne pourrait être cassée que par une forte hausse des taux d’intérêt et une récession", explique l'économiste de l'OFCE Eric Heyer.
Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco