Thierry Ardisson: animateur, producteur, provocateur

Producteur, animateur, publicitaire… En 40 ans de carrière, Thierry Ardisson a porté de nombreuses casquettes. Depuis 2022, il produit et anime une émission au concept novateur, Hôtel du Temps, dans laquelle il interviewe des personnalités décédées grâce à la technologie des deepfakes. Ce créatif original, star du petit écran, s’est confié à Fred Mazzella, dans une édition spéciale des Pionniers diffusée ce 18 mai sur BFM Business.
Etre toujours un peu en avance, en marge, ça lui vient de l’enfance. "Quand j'étais enfant, j'avais l'horrible sentiment de ne pas faire partie de ma famille", se rappelle-t-il. Solitaire, déménageant beaucoup, il a ainsi appris "à tourner des pages". Une compétence qui lui sera utile par la suite.
Le roi du slogan publicitaire
A la fin des années 60, c’est presque par hasard qu’il se lance dans la publicité, dans l’agence BBDO, puis chez TBWA et Ted Bates. Allant jusqu’à fonder sa propre agence, en 1978. Ces expériences, "ça a été ma grande école, ça a été mon université", et surtout, une période faste. Certains de ses slogans publicitaires ont marqué les consommateurs Français. "Vas-y Wasa!", "Lapeyre, y’en a pas deux" ou encore "quand c’est trop, c’est Tropico" sortent tout droit de son esprit.
Le secret? "Un bain, un pétard, un concept". La drogue, Thierry Ardisson n’en a jamais fait un tabou, car, selon lui "quand on sait l’utiliser, ça peut être très utile". Outre la myriade de slogans publicitaires, pendant 15 ans, il écrit et publie trois romans. Il finit par se lasser de ce "boulot de menteur".
"A force de vendre du fromage blanc, on a du yaourt dans la tête", déplore-t-il.
Les débuts à la TV
En 1980, il fait sa première apparition à la télévision. Tout part d’une interview qu’il réalise régulièrement pour le magazine Rock&Folk, "descente de police". Un concept tout neuf dans lequel il interviewe des stars comme si c’était un interrogatoire de police musclé. Henri Salvador, Dalida et un jour Yannick Noah, qui lui confie alors qu’il fume des pétards. L’information fait le buzz, un ministre l’accuse d’avoir menti et déformé les propos du chanteur. Thierry Ardisson se rend sur un plateau de télévision pour se défendre. La première de quarante années.
En 1985, il adapte Descente de police pour TF1. C’est la Haute Autorité de l’audiovisuel (désormais Conseil supérieur de l'audiovisuel) qui mettra un coup d'arrêt au projet quelques mois plus tard. L’animateur venait de casser deux côtes à un chanteur lors d’une interview. Les années qui suivent voient les projets se succéder, entre production et présentation: Bains de Minuit, Lunettes noires pour nuits blanches… En 1987, il créé même sa société de production, Ardisson & Lumières.
Tout le monde veut parler à Thierry Ardisson
En 1998, il rejoint France 2 pour co-animer avec Laurent Ruquier l’émission Tout le monde en parle. Un talk-show provocant dans lequel les animateurs n’hésitent pas à poser des questions "chocs" aux invités sur leur vie privée, entraînant des séquences cultes. Comme celle de Milla Jovovich, en 2002, qui quitte le plateau après avoir lancé un verre d’eau sur l’animateur ou le fameux "sucer, c’est tromper?" lancé à l’ancien Premier ministre Michel Rocard.
C’est lui qui invente, à la même période, le concept d’interview formatée. Le même thème, les mêmes questions, pour chaque invité. Les interviews "premières fois" , "avec des si" et autres "questions cons" donnent lieu à des moments de télévision osés, intimes et inédits. La "Ardiview" d’Isabelle Huppert, où elle avoue avoir menti tout au long de l’interview en 2004; en 2002, celle de Joey Starr qui se livre sur sa vie… Autant de séquences qui valent désormais à Thierry Ardisson le qualificatif de roi des interviews.
"A quoi ça sert d'être milliardaire si tu peux pas te payer Ardisson?"
En 2006, il rejoint Canal+, chaîne sur laquelle il produit et présente Salut les terriens, alors diffusée en clair. Chaque semaine, entre 1 et 1,5 million de téléspectateurs sont au rendez-vous. En 2019, il annonce la fin de sa collaboration avec le groupe de Vincent Bolloré, magnat des médias.
"C'est plutôt Vincent Bolloré qui a annoncé la fin de notre collaboration, il pensait que je coutais trop cher", se rappelle l’animateur.
Sans rancunes, peut-être, puisqu’il ajoute, rieur, une question rhétorique: "à quoi ça sert d'être milliardaire si tu peux pas te payer Ardisson?". Mais partir n’est jamais synonyme d’échec pour Ardisson, comme à son habitude il "tourne la page" et contacte France TV, qu’il avait quitté quelques années plus tôt, avec un nouveau concept d’émission. Le pitch est simple, "je viens pas pour remplacer Laurent Ruquier, je viens pour ressusciter les morts".
Faire parler les morts
Lassé d’interviewer les vivants, le créatif a inventé "la première utilisation noble du deepfake". Rien que ça. "J'ai rien contre Amel Bent, j'ai rien contre Amir, j'ai rien contre M Pokora... C'est des gens tout à fait tout à fait respectables, mais moi j'ai rien à leur demander", se justifie-t-il. Alors, en 2022, il revient sur France 3 avec Hotel du Temps, une émission qu’il produit et anime, dans laquelle il interviewe, grâce à l’intelligence artificielle des personnalités décédées.
Si Dalida et Jean Gabin ont déjà été ramenés à la vie, Ardisson espère pouvoir faire parler Coluche ou Johnny Halliday dans les prochains épisodes.