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Aux Pays-Bas, les universités restreignent les inscriptions des étudiants chinois

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Les doctorats technologiques les plus pointus ne seront plus accessibles aux étudiants chinois.

On attend encore un texte précisant pour les étudiants non-ressortissants de l'Union européenne les conditions d'accès à certaines disciplines jugées "à risque". Mais le ministère néerlandais de l’Education assume d'ores et déjà de restreindre de façon spécifique l’accès aux universités aux doctorants financés par le Conseil chinois des bourses d’études.

C’est en 1996 que la Chine a mis en place ce programme qui facilite l'envoi à l’étranger de jeunes scientifiques de troisième cycle, comme ses universités en reçoivent également. Cet organisme a pour mission qu’une fois la thèse soutenue, ou bien à l’issue de leur post-doctorat, les profils d’exception reviennent au pays.

Dans cette optique, au moment de leur sélection, les postulants signent un document qui leur rappelle ce qu'ils doivent à la nation comme en atteste ce document public sur "les lignes directrices" datant de janvier 2020. Dispositions au chapitre V des conditions de base à une candidature: "Exigence de base pour les candidats: soutenir la direction du Parti communiste chinois et la voie du socialisme aux caractéristiques chinoises, aimer la patrie, avoir le sens de la responsabilité de servir le pays, la société et le peuple, et avoir une vision correcte du monde."

Cible attrayante

Le quotidien de centre-gauche d’Amsterdam Trouw affirme que le "serment d’allégeance" initial doit se confirmer, ensuite, par un contact régulier avec l’ambassade et d’un retour en Chine dans les deux années qui suivent la thèse. Rien d'anormal à cela, réplique la diplomatie chinoise, pour qui l'on est là dans la norme internationale.

L’Agence néerlandaise du renseignement n'en est aucunement persuadé. Dans son rapport annuel, l'AIVD estime que les universités des Pays-Bas constituent, bel et bien, "une cible attrayante" pour l’espionnage chinois. Le directeur de la sécurité d’un prestigieux établissement technologique, Delft, l’exprime sans détour sur une chaîne de télévision locale: il a été mis en place un processus minutieux d’examen et "si le CV ainsi que le sujet de recherche sont risqués", le conseil donné est de refuser le candidat. Officiellement, l’Etat néerlandais soutient toujours ne pas vouloir exclure les étudiants chinois ou décourager la coopération universitaire.

Aveuglement

Le ministère chinois des Affaires étrangères dit espérer que "la situation avec les Pays-Bas ne soit pas politisée et stigmatisée". Mais il ne fait plus de doute à Pékin que l’Etat néerlandais a basculé dans le sens d’orientations définies par Washington, notamment dans tout ce qui a trait à la microélectronique et aux semi-conducteurs, secteurs d’excellence des Pays-Bas.

Toujours écoutée dans ce dossier, la ministre néerlandaise du Commerce extérieure, la libérale Liesje Schreinemacher, soutient que la Chine, voyant les portes se refermer auprès des industriels de pointe comme ASML, reporte ses efforts vers des départements de recherche des universités technologiques néerlandaises.

Ce raisonnement des Pays-Bas peut être perçu par les Chinois comme, une fois encore, un aveuglement sur l’état réel de la puissance scientifique des uns et des autres. Les preuves -majeures- se multiplient, dans les domaines critiques, de dépassements quantitatifs et qualitatifs par rapport à la recherche fondamentale occidentale. Dernière en date, l’indice de la revue britannique Nature: pour la première fois, dans les sciences de la vie, la Chine compte davantage de publications de premier rang que les Etats-Unis.

Rupture

Des universitaires américains ne désespèrent pas de préserver un lien, en fonction de ce que le cours de la partition globale permettra encore. Le journal étatique chinois China Daily évoque un besoin mutuel dans l’enseignement supérieur, faisant écho aux propos d’un professeur de Harvard, William Kirby. Pour ce spécialiste des relations économiques avec la Chine, il incombe aux universités de promouvoir la collaboration "indépendamment de la politique du moment".

Voeu pieu, pourrait-on penser, tant la tendance reste à la rupture. Ainsi de Xie Xiaoliang, biophysicien sino-américain de renommée mondiale pour ses percées dans la science du génome, qui a renoncé publiquement à son passeport des Etats-Unis. Cas désormais loin d'être isolé.

Benaouda Abdeddaïm Editorialiste international