EDITO. Redressement des comptes: la méthode Bayrou entre lucidité et impuissance

Hier encore, une réunion s’est tenue à Bercy sur les comptes sociaux. Résultat? Rien de concret. Rien ne filtre. Mais pourquoi ce silence? Parce que c’est du Bayrou pur jus.
Un mélange de cardinal de Retz – "on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens" – et de Henri Queuille - "il n’est de problème qu’une absence de solution ne puisse résoudre". Autrement dit: comme le système est bloqué, surtout ne rien faire pour durer. Alors, est-ce une posture? Oui. Mais pas que. Car cette méthode a des vertus.
D’abord, le constat est bon. Quand Bayrou nous dit que la France ne produit pas assez, qu’on travaille trop peu, que les hausses d’impôts sont intenables et que la dette est dangereuse: c’est parfaitement lucide. Et ça change des dénis habituels.
Deuxième vertu: ne pas exposer trop tôt les mesures. Car dès que le moindre projet d’économie sort dans la presse, c’est tir de barrage immédiat.
Regardez les 300 millions d’euros sur le transport sanitaire: mobilisation des taxis, négociations marathon, remontée jusqu’à Matignon, pour finir avec 100 millions d’euros à peine l’an prochain. À ce rythme, les 40 milliards à trouver vont prendre 40 ans...
Donc tout sortir d’un bloc, fin juillet, peut être une bonne tactique. Encore faut-il que ça tienne face aux lobbies et à l’Assemblée.
Enfin, François Bayrou soigne la mise en scène. Une vraie stratégie médiatique autour du "moment budgétaire". Il occupe le terrain sans rien dire. Simulation et dissimulation du pouvoir, comme le conseillait Mazarin en conclusion de son Bréviaires des politiciens.
Retz, Queuille et un peu de méthode Coué
Mais cette méthode a aussi de lourds inconvénients. Car soyons lucides: François Bayrou n’a aucun levier politique. Il peut agiter la menace du chaos budgétaire… Emmanuel Macron, lui, a creusé les déficits avec une majorité absolue. Il ne va pas se réformer avec une majorité relative.
Et surtout, à l’automne, il va falloir acheter des votes. Car dans "compromis", il y a "promis". Et ce n’est pas avec des promesses qu’on redresse les comptes.
À Bercy, certains confient qu’ils essaient juste de faire – je cite – "le budget le moins con possible". C’est dire la confiance.
Alors oui, on nous cite le Canada, la Suède, les Pays-Bas… Mais tous avaient trois choses que Bayrou n’a pas: un mandat clair, une majorité forte, et du temps.
Résultat? On peut ajouter une troisième figure à la méthode Bayrou. Après le cardinal de Retz et Queuille, il y a aussi un peu de méthode Coué.