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L Edito de Raphael Legendre

ÉDITO. Redressement des comptes de la Sécu: une politique de gribouille!

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Les comptes de la Sécu devraient afficher un déficit de 18 milliards d'euros en 2024... et devraient rester à ce niveau d'ici 2028, selon les prévisions du gouvernement.

On savait que le déficit de l’État partait complètement dans le décor; c’est désormais aux comptes de la Sécu de virer au rouge cramoisi.

Nos confrères de Challenges ont eu accès à l’avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Alors que le déficit était à l'origine prévu à 10,5 milliards, on devrait arriver à 18 milliards! Alors certes, c’est dix fois moins que le déficit de l’État, mais tout de même, la dynamique est inquiétante. Si l’on ne fait rien, le dérapage pourrait atteindre 25 milliards l’année prochaine.

Comment en est-on arrivé là?

Comme pour le budget de l’Etat, les prévisions des textes budgétaires présentées il y a un an ont été construites sur des hypothèses bien trop optimistes. Résultat, Bercy constate aujourd'hui d'importants trous dans les recettes, alors que la croissance est en ligne avec les prévisions.

L’autre explication, c’est comme d’habitude l’envolée des dépenses. Un simple exemple: la seule revalorisation des retraites de 5,3% en janvier dernier - 14 milliards d'euros - a annulé tous les gains de la réforme Borne.

Plus de dépenses, moins de recettes, fatalement, on finit dans le mur.

L’Edito de Raphael Legendre : Comptes de la Sécurité sociale, alerte rouge - 09/10
L’Edito de Raphael Legendre : Comptes de la Sécurité sociale, alerte rouge - 09/10
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Alors à quelles mesures de redressement faut-il s’attendre?

On a déjà parlé du décalage de six mois de la revalorisation des retraites de base qui rapporte 2,9 milliards. Un fusil à un coup qui va créer beaucoup de remous politiques, sans transformation structurelle de la dépense. C’est une mesure conjoncturelle.

La réduction des allègements de cotisations patronales, qui devrat rapporter 4,1 milliards d'euros, est tout bonnement un alourdissement du coût du travail sur les bas salaires, de très mauvaise augure pour l'emploi.

Le gouvernement souhaite par ailleurs maîtriser les dépenses de maladies par la "maîtrise médicalisée et la lutte contre la fraude".

Petit aparté: à chaque fois qu'un politique évoque le renforcement de la "lutte contre la fraude", c'est pour cacher le fait qu'il n’a pas la moindre idée de comment arranger les choses. C’est une solution de facilité.

Les économies seront par ailleurs portées par un transfert des dépenses de la Sécu vers les mutuelles, et donc vers leurs adhérents qui vont voir leurs cotisations à nouveau augmenter après une hausse de plus de 8% cette année.

Mais le meilleur, c'est le relèvement du plafond d'emprunt de l’ACOSS, la "banque de la Sécu", de 45 à 65 milliards d’euros, parce qu’on ne peut plus transférer de dette à la Cades sans y coller un impôt nouveau.

Tout cela s’apparente à de la politique de gribouille budgétaire, et ne présage rien de bon pour la suite.

D’ailleurs, indique le gouvernement dans le cadrage du PLFSS, les comptes sociaux devraient rester dans le rouge dans les années à venir avec une prévision de déficit de 19,6 milliards en 2028.

Raphaël Legendre