EDITO. Fiscalité: gare à la bombe du gel de l'impôt sur le revenu

C'est la bombe du week-end. Nos confrères de La Tribune Dimanche ont révélé que Matignon réfléchissait à un gel du barème de l’impôt sur le revenu. Au lieu de revaloriser les seuils d'entrée des différentes tranches du barème du niveau de l’inflation, comme on le fait chaque année, les montants seraient conservés tel quel.
Puisque les salaires argumentent, eux, cela crée mécaniquement des recettes supplémentaires. Et cela rapporte gros: environ 4 milliards dans les caisses. C’est beaucoup !
Par contre, le risque politique d’une telle décision est considérable, et peut-être inconsidéré. Parce que ce faisant, vous faites aussi rentrer des ménages dans l’impôt. Beaucoup de ménages!
Et si comme le disait Colbert, "l'art de l'imposition consiste à plumer l'oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris", il est à parier que le gel du barème de l’impôt sur le revenu va faire hurler la basse-cour française.
Un précédent existe. Deux années de suite, en 2012 et 2013, le barème de l’impôt sur le revenu a été gelé. Deux millions de foyers sont alors entrés dans l’impôt (17,2 millions en 2011, 19,2 millions en 2013). Résultat, une belle révolte fiscale.
Michel Barnier a beau s'engager, comme il l'a fait au JT de France 2 dimanche, à ne "pas alourdir encore l'impôt sur l'ensemble des Français", à beau promettre de préserver "les gens les plus modestes, les gens qui travaillent et les classes moyennes", on voit mal comment les classes moyennes seront épargnées si Bercy veut faire un peu de rendement budgétaire.
On se souvient de Jean-Marc Ayrault à Matignon qui lui aussi promettait de protéger 90% des Français des hausses d’impôts. On connaît la suite.
"Vas-y mollo"
À noter que le nouveau Premier ministre a par ailleurs refusé de se prononcer sur un éventuel rétablissement de l'ISF. "Les plus riches doivent prendre part à l'effort de solidarité", a-t-il déclaré. Pour rappel: 70% de l'impôt sur le revenu est acquitté par 10% des contribuables seulement.
Attention, ouvrir la boîte de Pandore fiscale, c'est ouvrir la boîte à baffes. Et s'il faut vraiment passer par une part d'impôt pour redresser les comptes publics, autant ne pas agiter tout de suite le plus explosif des leviers.
Pour plumer l’oie sans qu’elle ne crie; mieux vaut passer par la CSG, quasi-invisible, ou la TVA, moins nocive économiquement. Et comme le disait Pierre Moscovici, qui s'y connaît en matière de ras-le-bol fiscal, y a quelques jours dans le Parisien: "si tu y vas, vise juste et vas-y mollo."