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L Edito de Raphael Legendre

ÉDITO. Dette, croissance: constat lucide, réponse liquide de François Bayrou

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Alors que son gouvernement cherche 40 milliards d'euros d'économie l'année prochaine, le Premier ministre propose un référendum sur "un plan d'ensemble" de réduction des déficits.

Le Premier ministre François Bayrou, dans une interview au Journal du dimanche, a dressé un double constat: la France doit produire davantage et réduire sa dette publique. Lucide sur les enjeux, certes. Mais quand vient le moment des solutions, le propos devient... liquide.

Lucide, car oui, la France produit trop peu. Notre PIB par habitant est inférieur de 20% à celui de l’Allemagne, et ne représente que 80% de celui des États-Unis. Ce décrochage devrait mobiliser toute notre énergie nationale. La France a tous les atouts pour jouer dans la cour des grands, pas pour s’installer durablement en deuxième division économique.

Lucide encore sur les finances publiques: la France est lanterne rouge de la zone euro. Le sursaut est vital. Bayrou propose donc un "grand plan" avec deux volets ": relance de la production et retour à l’équilibre budgétaire. Très bien sur le papier. Mais dans le détail, l’édifice s’effondre.

Produire plus... de machines à laver?

Côté production, Bayrou appelle à valoriser notre production à haute valeur ajoutée. Jusqu’ici, tout va bien. Mais quand il cite les machines à laver comme exemple de relocalisation industrielle, on frôle l’absurde. Qui veut sérieusement fabriquer des lave-linge en France, pays aux charges sociales les plus élevées au monde? En Hongrie, à la rigueur, si l’on veut du "made in Europe".

Seule idée intéressante: la robotisation. Un secteur où la France pourrait effectivement regagner en compétitivité. Comme le rappelait François Carayol, PDG du groupe Brosse et Dupont, une ligne automatisée bien conçue peut tenir tête à la concurrence étrangère. Mais dès qu’il faut embaucher, le modèle français — avec son poids de cotisations — devient un frein. Et ça, Bayrou l’esquive.

40 milliards d’économies à géométrie variable

Sur les finances publiques, même scénario. Bayrou promet une baisse des dépenses sans hausse d’impôts. Un classique. Il enterre même certaines pistes évoquées récemment: pas d’impôt local supplémentaire, pas de coup de rabot pour les retraités. On respire.

Mais dans la même interview, il parle aussi de suppression de niches fiscales, et laisse planer l’idée d’une nouvelle taxe. Bref: des hausses d’impôts déguisées. Et les économies annoncées — 40 milliards — deviennent déjà, selon ses propres mots, un simple "ordre de grandeur".

Nous sommes en plein dans ce que le sociologue Zygmunt Bauman appelait la "modernité liquide": un monde où rien ne tient, où les engagements s’évaporent à peine formulés. Emmanuel Macron adore ce concept, mais il ne suffit pas à donner une colonne vertébrale à l’action publique.

Bayrou évoque même un référendum. Pour quoi faire? Demander aux Français s’ils acceptent un plan de rigueur massif à deux ans de l’élection présidentielle? Soyons sérieux. Ce genre de promesse n’est qu’un effet d’annonce pour occuper l’espace médiatique.

La vérité, c’est que le temps des petits discours touche à sa fin. L’heure est venue de choisir entre deux voies: la rigueur assumée, choisie, contrôlée — ou l’austérité subie, imposée de l’extérieur.

Et nous, journalistes, devrions cesser de prendre chaque déclaration politique pour argent comptant. Parce qu’au fond, ce qu’on nous a vendu ce week-end, ce n’était pas un plan… C'était du flan.

Raphaël Legendre