Usines : de l’importance d’économiser la chaleur et l’électricité

Qu’est-ce qu’une machine thermodynamique ?
Gilles David : Un climatiseur, c’est une machine thermodynamique ! Pour donner un autre exemple, une centrale électrique thermique est construite autour d’une turbine et d’un cycle thermodynamique. La thermodynamique, c’est la science qui étudie les relations entre les phénomènes thermiques (chaleur/froid) et mécaniques (travail), à l’origine des moteurs, des turbines à vapeur ou des climatiseurs.
Sur quelles technologies reposent vos machines ?
G.D. : Enertime repose sur deux technologies. D’une part, les machines ORC (machines à cycle organique de Rankine), c’est-à-dire les machines thermodynamiques qui génèrent de l’énergie électrique à partir de sources thermiques à haute température. Elles ont des applications en géothermie, biomasse et efficacité énergétique industrielle. Nous avons également décliné ce savoir-faire dans les turbines de détente de gaz. D’autre part, nous avons développé des pompes à chaleur : des machines qui génèrent de la chaleur avec de l’électricité et une source plus froide.
Charles Huguet : Nous vendons ces équipements à de gros industriels ou des électriciens. Chacune de nos machines pèse plusieurs dizaines de tonnes. Une turbine, elle, pèse 3 à 5 tonnes ! Notre fabrication est 100 % française : les turbomachines sont assemblées à Courbevoie, et le reste est fabriqué dans des usines en majorité françaises, chez nos sous-traitants. Nos équipements sont ensuite installés dans des usines en France ou à l’étranger (Chine, Thaïlande, Mexique, Ukraine ou Bulgarie). Notre ambition est d’exporter massivement cette technologie partout dans le monde.
En quoi vous distinguez-vous de vos concurrents ?
G.D. : Nous sommes l’une des rares sociétés françaises à avoir développé une technologie à l’échelle internationale dans le domaine de la transition énergétique. De plus, Enertime est une entreprise totalement indépendante. Elle est certes cotée en bourse, mais nous n’avons pas de grands actionnaires industriels ou de fonds d’investissement à notre capital. Côté R&D, nous investissons en permanence pour améliorer nos machines, en particulier grâce à des financements européens. Notre savoir-faire en mécanique et en thermodynamique nous permet également de développer de nouvelles technologies liées à l’énergie.
C.H. : En parallèle, nous avons développé depuis deux ans une offre dédiée aux industriels français et européens. Elle a pris la forme d’une filiale d’efficacité énergétique, appelée Énergie Circulaire. C’est une offre de service : au lieu de vendre nos technologies à nos clients industriels, nous les finançons nous-mêmes pour les installer dans les usines. Nous fournissons ainsi à nos clients de l’énergie décarbonée, issue de la valorisation de leurs propres effluents.
Comment aidez-vous vos clients à gagner en efficacité énergétique ?
C.H. : Nos machines permettent essentiellement de faire des économies d’électricité ou de gaz naturel. Une fois installée dans une usine, une machine ORC récupère la chaleur fatale (générée par un procédé, sans qu’elle en soit le but premier) pour en faire de l’électricité. Cette solution est très intéressante, compte tenu de la flambée actuelle du prix de l’électricité. Notre filiale Énergie Circulaire se concentre sur ce type de machines et leur application. Elle compte proposer un modèle équivalent sur les pompes à chaleur dans un futur très proche, pour remplacer les chaudières à gaz naturel.
À ce titre, nous sommes d’ailleurs en train de négocier quatre gros projets liés au plan France Relance. Ils entrent dans le cadre des appels à projets de l’ADEME en termes d’efficacité énergétique, pour des montants de contrat entre 5 et 13 millions d’euros.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ces projets ?
C.H. : L’un d’eux est plus avancé que les autres et concerne une verrerie de la société Verallia. Le but est d’y récupérer la chaleur fatale d’un four verrier pour en faire de l’électricité, qui alimentera ensuite toute l’usine. Ainsi, elle verra sa consommation d’électricité baisser très significativement, puisqu’une partie sera produite par nos machines.
Le principe reste le même pour trois autres projets, qui réuniraient respectivement des entreprises spécialisées dans le recyclage de zinc, la production de ferroalliages et la production de ciment. Si ces projets voient le jour, des machines ORC seront installées dans ces trois sociétés pour récupérer la chaleur qui part dans les fumées des usines. Elle sera ensuite transformée en électricité pour alimenter ces usines.
Ajoutons que ces trois autres projets sont chacun porteurs d’une spécificité. Par exemple, l’un s’inscrit dans un projet de réseau de chaleur industriel. Un autre permettrait à l’usine de devenir 100 % autonome dans sa consommation électrique grâce à nous. Enfin, le dernier projet permettrait au client, installé à l’extrémité du réseau électrique, d’améliorer aussi la qualité de son approvisionnement en électricité.
Comment envisagez-vous votre secteur d’activité ? Sera-t-il amené à évoluer ?
G.D. : Jusqu’en 2019, notre marché n’était pas très porteur en France. L’intérêt économique et technologique d’une société comme la nôtre n’étaient pas bien compris par les pouvoirs publics et les industriels. À l’époque, l’électricité était abondante et peu chère, et donc, il n’y avait pas d’intérêt à l’économiser. Il y a bien un changement de paradigme aujourd’hui.
Par conséquent, nos technologies vont se développer. Il y a eu une prise de conscience de l’intérêt de la sobriété, de sa traduction industrielle et de l’efficacité énergétique, y compris en termes d’électricité. C’est valable pour nos machines ORC, mais aussi pour nos pompes à chaleur, qui permettent d’économiser du gaz. Cela répond à une forte demande de nos clients en matière d’innovation pour la décarbonation de leurs procédés, tout en ayant un impact économique positif.
Qu’espérez-vous pour le futur d’Enertime ?
C.H. : Enertime se positionne comme le chef de file d’une filière d’industriels français. Nous espérons la voir devenir une filière d’excellence, pourvoyeuse d’emplois et actrice de la réindustrialisation, au même titre que l’hydrogène ou d’autres grands domaines d’activité. En France, une dizaine d’acteurs travaillent à la valorisation de la chaleur. Enertime en est un peu le pionnier. Nous nous plaçons comme le "grand frère", le porte-parole de cette voie nécessaire.
Néanmoins, nous nous confrontons à une problématique très actuelle : celle du recrutement. Nous avons du mal à trouver des profils techniques qualifiés pour des postes industriels. Or, il est important de comprendre que l’industrie française n’est pas morte. Elle bénéficie du soutien du Gouvernement, et elle va même rebondir avec ces problématiques d’énergie, d’économie d’énergie et de production d’énergie verte.
G.D. : De plus, le monde tourne grâce à la mécanique et à la thermodynamique, et en France, le pays qui a vu naître Carnot, nous sommes bien placés pour le savoir. Enertime a les ressources nécessaires pour devenir une sorte d’Alstom du XXIe siècle, c’est-à-dire une société industrielle dans le domaine de l’énergie, maîtrisant des technologies de pointe et les commercialisant mondialement.
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