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Pourquoi la France s'est mise à recréer beaucoup d'emplois

Selon le baromètre Adecco, les entreprises françaises devraient embaucher 3,7 millions de personnes d'ici juin 2020. Une embellie qui s'explique principalement par la stagnation des gains de productivité.

Nouvelle embellie sur le front d'emploi. Selon le dernier baromètre Adecco, ce sont près de 3,7 millions d’embauches qui vont être effectuées en France ces 12 prochains mois. C’est 125.000 de plus que ce que le précédent baromètre avait prévu en juin.

Cela ne veut pas dire que le chômage va baisser d’autant. Le baromètre ne comptabilise que les embauches et ne tient pas compte des destructions d’emplois et des licenciements sur la période. Mais au final les embauches devraient être supérieures aux destructions d’emplois puisqu’Adecco estime que le chômage devrait tomber à 8% courant 2020 contre 8,4% aujourd’hui.

Et il s'agira d'emplois plutôt pérennes. La part des CDI dans ces embauches devrait atteindre 41% soit 2 points de plus que dans le précédent baromètre. La part des CDD va elle légèrement reculer à 29% et l’interim devrait rester stable à 22%. Et toutes les régions sont concernées: si ce sont l’Ile-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes qui vont le plus embaucher parce que ce sont les régions les plus peuplées, c'est dans les Hauts-de-France que les embauches seront les plus dynamiques avec une croissance des recrutements de 10% en 2020.

Le gouvernement met de l'huile dans les rouages

Le gouvernement y est-il pour quelque chose dans cette embellie? S'il est toujours difficile de mesurer avec précision l’impact de telle ou telle mesure sur l’emploi, les économistes sont globalement d’accord pour dire que la baisse des cotisations salariales, la reprise de l’investissement, l’accent mis sur l’apprentissage ou le plafonnement des indemnités prud’homales y ont contribué. Cela a mis de l’huile dans les rouages mais ça n’explique pas tout.

Il y a un phénomène nouveau dans l’économie: on crée des emplois même avec une croissance assez faible. Il y a 20 ans il fallait près de 3% de croissance pour créer des emplois. Aujourd’hui 1% suffit.

Pourquoi? Parce que les gains de productivité sont très faibles aujourd’hui de l’ordre de 1%. Malgré les technologies numériques, la robotique et autres technologies de la communication, un salarié ne produit chaque année que 1% de plus. Et lorsque le carnet de commande progresse de 1,2% il faut donc embaucher.

Cette faiblesse des gains de productivité surprend les économistes qui peinent à l’expliquer. Pour certains, c'est parce que les innovations actuelles n'ont pas le même potentiel que celles du siècle précédent (automobile, avion, téléphone, électricité...) qui avaient permis à l'économie de réaliser d'important gains de productivité. Autrement dit, l'ordinateur et le smartphone ne sont pas des innovations aussi importantes que l'automobile.

Pour d'autres en revanche, c'est parce que ces innovations n'ont pas encore donné leur pleine mesure. "Il faut des années pour qu'une innovation produise d'importants gains de productivité, assure Gilbert Cette, professeur d'économie à l'université d'Aix-Marseille. Il faut que de nouvelles organisations se mettent en place, ce qui n'est pas encore le cas." 

En tout cas, si cette stagnation de la productivité est positive pour l’emploi, elle est en revanche négative pour le pouvoir d’achat. C’est la hausse de la quantité produite par salarié qui permet les hausses de salaire.

Or aujourd'hui, les entreprises embauchent principalement de la main d’œuvre peu qualifiée et les salaires ont tendance à stagner. La crise des gilets jaunes d’il y a un an avait bien mis en lumière ce phénomène. Bref, tant que les technologies ne permettront pas de produire plus, le chômage continuera à baisser… et les salaires risquent eux de continuer à stagner.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco