Pourquoi l'Insee dénombre 1,5 million de chômeurs de moins que Pôle emploi

Le chômage a fortement baissé au troisième trimestre. A tel point que la France compte désormais moins de chômeurs qu’avant la crise sanitaire. Selon l’Insee, le taux de chômage en France (Outre-mer compris, mais hors Mayotte) s’élève à 7,6% de la population active, ce qui signifie que le pays compte aujourd’hui 2,28 millions chômeurs contre 2,4 millions fin 2019.
Le taux de chômage se situe ainsi à quelques encablures de son niveau de 2008 (7,4%), juste avant que la crise financière n’entraîne de massives suppressions d’emplois. Si la tendance se poursuit en 2022, le taux de chômage pourrait même retrouver son niveau de... 1982 (7,2%).
Mais comment l'Insee peut-elle dénombrer 2,28 millions de chomeurs alors qu'au deuxième trimestre, le nombre d'inscrits, en catégorie A, à Pôle Emploi (au 2ème trimestre) s'élevait à 3,75 millions (France, hors Mayotte). Il faudra attendre le 27 octobre pour avoir le chiffre du troisième trimestre. Mais il va de soi qu'on sera encore très loin de 2,3 millions de chômeurs dénombrés par l'Insee. Comment expliquer une telle différence? C'est juste une question de définition du chômage.
L'Insee applique la définition internationale du chômage
Pour évaluer le nombre de chômeurs, l’Insee ne s’appuie pas sur les données de Pôle Emploi. Elle réalise tous les trois mois une enquête auprès d’un échantillon bien plus large que pour les sondages politiques. 110.000 personnes sont interrogées. Et sont comptabilisées parmi les chômeurs, ceux qui répondent "oui" à la question suivante: avez-vous effectué une démarche active de recherche d'emploi au cours des quatre dernières semaines et êtes-vous disponible pour travailler dans les deux prochaines semaines.
Cette définition est la même dans tous les pays du monde, à l’exception d’une poignée comme la Corée du Nord. C’est celle du Bureau international du travail (BIT). Avoir la même définition du chômage permet de comparer les performances des pays entre eux. Et évite les critiques suscitées par les décomptes qui s’appuient sur les inscrits aux agences nationales du type Pôle Emploi. Un chômeur radié par Pôle emploi, un bénéficiaire d’allocations chômage qui perd ses droits reste un chômeur aux yeux de l’Insee tant qu’il répond à la définition du BIT.
Deux autres indicateurs: le halo du chômage et le sous-emploi
Le taux de 7,6% pour le 3ème trimestre n’est, il est vrai, qu’une première estimation, reposant sur les créations nettes d’emploi. Mais l’Insee ne redoute pas d’être contredite par les résultats de son enquête trimestrielle à paraître en novembre.
En revanche, il faudra regarder de près l’évolution de deux autres indicateurs: le halo du chômage et le sous-emploi. Le premier permet de dénombrer les personnes sans emploi qui ne sont pas considérées comme chômeurs.
Cela peut être des parents qui ont décidé de se consacrer à l’éducation de leur(s) enfant(s), une personne qui suit un traitement médical l’empêchant de travailler, un demandeur d’emploi qui, pour décrocher plus aisément un poste, choisit de suivre une formation, un étudiant qui fait un break avant de débuter sa vie professionnelle... Les cas sont multiples. Certains sont inscrits à Pôle emploi, d’autres pas. Au deuxième trimestre, l’Insee estimait leur nombre à 2 millions.
6 millions de chômeurs, un abus de langage
Quant au sous-emploi, il rassemble tous les salariés ou indépendants qui ne sont pas satisfaits de leur emploi et cherchent à en changer, mais aussi, les employés au chômage partiel, dont le nombre s'élève à un demi-million selon la ministre du Travail et de l'Emploi Elisabeth Borne, invité ce jeudi sur BFM Business. Au total, au deuxième trimestre, le sous-emploi concernait, selon l'Insee 2,2 millions de personnes.
Près de 6,5 millions de personnes se rangent donc aujourd’hui en France dans l’une de ces trois catégories. Un chiffre qui se révèle assez proche des 6,75 millions d'inscrits à Pole emploi au 2ème trimestre, toutes catégories confondues (A,B,C,D,E). Mais cela ne signifie pas que la France compte 6 millions de chômeurs, loin s’en faut.
