Pays-Bas: des ONG et 17.000 citoyens devant la justice pour obliger Shell à réduire ses émissions de CO2

Shell teste un système automatique qui fixe et change les prix en permanence des carburants de certaines de ses stations-service aux Pays-Bas. - Shell
La justice néerlandaise entend ce mardi la requête d'un collectif d'ONG environnementales qui tente de contraindre Shell à réduire ses émissions de CO2, accusant le géant pétrolier de ne pas faire assez pour s'aligner sur l'Accord de Paris.
Lancée en avril 2019 par Milieudefensie -branche aux Pays-Bas de l'organisation internationale les Amis de la Terre-, l'affaire est unique en son genre d'après ses initiateurs, qui se félicitent que plus de 17.300 citoyens néerlandais se soient constitués partie civile.
Aux côtés de six autres ONG de défense de l'environnement et d'aide au développement, dont Greenpeace et ActionAid aux Pays-Bas, Milieudefensie dénonce une "destruction du climat" de la part de Royal Dutch Shell, l'une des plus grandes compagnies pétrolières au monde.
Shell, mauvais élève
Selon un rapport publié en 2017 par l'ONG Carbon Disclosure Project, Shell fait partie des 100 entreprises responsables de 71% des émissions globales de gaz à effet de serre émises depuis 1988.
Le tribunal de La Haye tient à partir de mardi quatre jours d'audience en l'affaire, réparties jusqu'à la mi-décembre, qui débuteront avec les déclarations d'ouverture de Milieudefensie et Shell. L'ONG estime qu'il est impossible de respecter l'Accord de Paris sans que "les gros pollueurs comme Shell" soient légalement forcés à prendre des mesures en ce sens.
C'est pourquoi nous demanderons au juge d'obliger Shell à réduire ses émissions de CO2 conformément aux objectifs convenus dans l'Accord de Paris sur le climat", a expliqué Donald Pols, directeur de Milieudefensie, lors d'un point presse en marge du premier jour d'audience.
Les ONG souhaitent notamment que le tribunal néerlandais ordonne à Shell de réduire ses émissions de CO2 de 45% d'ici 2030. La multinationale anglo-néerlandaise prévoit actuellement de baisser "l'empreinte carbone nette" des produits vendus à ses clients de 30% d'ici 2035, et de 65% d'ici 2050.
Un moment historique
La compagnie rétorque elle que les revendications de Milieudefensie "sont inappropriées et sans fondement juridique".
Ce qui accélérera la transition énergétique, ce sont des politiques efficaces, des investissements dans la technologie et un changement de comportement des clients. Rien de tout cela ne sera réalisé avec cette action en justice", a déclaré Shell dans un communiqué.
Depuis l'Accord de Paris signé en 2015, qui vise à contenir la hausse des températures en dessous de deux degrés, de nombreux industriels se sont engagés à réduire leurs émissions de CO2, avec Shell promettant par exemple la neutralité carbone d'ici 2050. Malgré ces engagements, le groupe dépense seulement 3 à 5% de ses investissements dans les énergies renouvelables, d'après un rapport publié en juillet.
Le manque de réglementations entourant les grands acteurs de l'industrie pétrolière "est l'une des principales raisons pour lesquelles nous n'atteignons pas nos objectifs climatiques", dénonce Donald Pols. Le militant, qui s'attend à une décision du tribunal au cours de l'été prochain, évoque un "moment historique" rendu possible par l'appui de milliers de citoyens.
Nous sommes soutenus par tellement de personnes. Il s'agit en fait de "The People versus Shell", une entreprise qui a trop longtemps échappé" à ses obligations climatiques grâce au greenwashing, assure-t-il.
Le collectif argue que la politique de Shell en matière de climat viole son devoir de vigilance et menace les droits humains. Dans une procédure historique portée par l'organisation environnementale Urgenda, la Cour suprême des Pays-Bas a ordonné l'année dernière à l'Etat de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 25% d'ici fin 2020, créant selon Milieudefensie un précédent pour leur action.