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Fiscalité

"Attention à l'impôt de trop": la mise en garde d'Antoine Armand est-elle justifiée sur le plan économique?

Le ministre de l'Économie et des Finances, Antoine Armand, lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale le 21 octobre 2024

Le ministre de l'Économie et des Finances, Antoine Armand, lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale le 21 octobre 2024 - Ludovic MARIN / AFP

Dans une économie française très fragile, la hausse de 20 milliards d'euros d'impôts sur les entreprises aura des conséquences négatives sur l'investissement, la réindustrialisation et l'emploi, a prévenu le ministre de l'Economie. De nombreux secteurs d'activités ont déjà fait savoir qu'ils suspendaient leurs projets en France.

"Attention à l’impôt de trop!" Le ministre de l'Économie a créé la polémique avec sa petite phrase ce jeudi dans les colonnes du Parisien. Antoine Armand a-t-il décoché une flèche en direction de Michel Barnier? Était-ce une mise en garde pour les députés?

Et si plus simplement Antoine Armand s'était adressé à l'ensemble des Français pour leur dire que l'on ne résoudra pas les problèmes budgétaire en "prenant l'argent là où il est". En l'occurrence dans les caisses des entreprises.

Depuis le début des débats sur le Budget 2025 le ministre macroniste constate cette inflation fiscale. Chaque hausse d'impôt trouve une justification. La surtaxe d’impôt sur les sociétés? Ça ne concerne que les très grosses entreprises rentables qui doivent participer à l'effort. Le triplement de la taxe sur les billets d’avion? Bon pour l'environnement puisque c'est un secteur émetteur de CO2. La hausse envisagée du versement mobilité sur les transports en commun? C’est pour aider les élus locaux à boucler leur budget alors que les rentrées fiscales immobilières sont en berne.

Les hausses d'impôts dans les tuyaux pour le Budget 2025.
Les hausses d'impôts dans les tuyaux pour le Budget 2025. © BFMTV

Mais quand on fait la somme des hausses d'impôts prévues, on arrive à 20 milliards d'euros. Sans compter les éventuelles hausses de cotisations sur les bas salaires. Elles aussi très bien justifiées par leurs promoteurs. Il s'agit de "désmicardiser la France" en lissant la courbe de dégressivité des allègements de charges.

Les entreprises tirent la sonnette d'alarme

Pourquoi cibler les entreprises? Parce que c'est quasiment indolore politiquement, une entreprise ni ne manifeste, ni ne vote. Du moins pas avec un bulletin dans une urne.

Car une entreprise ça vote quand même mais par un autre moyen: avec son carnet de chèque. Fermetures de sites, annulations d'investissements, gels d'embauches, licenciements... Les conséquences du "vote" des entreprises, ce sont in fine les Français qui en souffrent.

Et ça a d'ailleurs déjà commencé, alors même que les hausses d'impôts ne sont pas effectives. Depuis le mois d'avril, selon le cabinet Trendeo, le solde entre ouvertures et fermetures de sites industriels est négatif et ce pour la première fois depuis des années. Autrement dit, ces six derniers mois on dénombre davantage de fermetures d'usine en France que d'ouvertures.

Dans une conjonture déjà compliquée avec de nombreux plans sociaux annoncés ces derniers mois, certains secteurs tirent la sonnette d'alarme. Comme celui du médicament. Le chimiste français Seqens, qui est en train de relocaliser la production de paracétamol en Isère, explique dans Les Échos que le secteur est prêt à quitter la France à nouveau.

Dans l'aérien, Ryanair a aussi prévenu. En cas de triplement de la taxe transport, la compagnie envisage très sérieusement de réduire de moitié sa présence en France en quittant dix aréoports.

Michelin avait prévenu les députés

Des menaces en l'air pour faire pression sur le gouvernement et le législateur? Rien n'est moins sûr.

Le cas de Michelin est en cela éclairant. En septembre dernier, Florent Menegaux, le président du fabricant de pneus, était interrogé par les députés de la commission des affaires économiques sur la politique salariale chez Michelin. Dans un exercice de pédagogie précis et chiffré, le dirigeant avait expliqué qu'un salarié en France lui coûtait 20% plus cher que le même en Allemagne, en moyenne.

Il ajoutait que ses coûts de production étaient 20% plus élevés en Europe qu'aux États-Unis et le double de ceux en Asie du fait notamment des normes bien plus nombreuses sur le Vieux Continent. Il avait par exemple cité l'obligation de traçabilité du caoutchouc des entreprises européennes qui coûterait 200 millions d'euros par an à Michelin.

Un exposé par le menu de la perte de compétitivité de son groupe en France. Ce qui n'a pas empêché les députés de voter une batterie de nouvelles taxes, contre l'avis du gouvernement. Michelin a depuis annoncé la fermeture de deux sites dans le pays. Plus de 1.200 salariés sont concernés.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco