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Olivier Dussopt, le ministre qui doit mener la France au plein-emploi

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Le nouveau ministre du Travail a le terme "plein emploi" dans l'intitulé de son ministère. Que veut dire ce terme et la France peut-elle réellement y parvenir en cinq ans?

"Je suis un fils d'ouvrier et d'ouvrier plus souvent au chômage qu'au travail, on s'en sort dans la vie en travaillant." D'ordinaire plutôt discret, Olivier Dussopt avait haussé le ton ce 15 octobre 2020 à l'Assemblée Nationale face au député Insoumis François Ruffin qui accusait son gouvernement de "défendre les intérêts de sa classe".

A cette occasion, celui qui était alors ministre délégué en charge des Comptes publics avait réaffirmé le crédo macronien en prenant son parcours en exemple: c'est par le travail qu'on s'émancipe.

Ce transfuge du Parti Socialiste, nommé dans tous les gouvernements Macron depuis novembre 2017 écope d'une des tâches les plus ambitieuses du gouvernement d'Elisabeth Borne: atteindre le plein emploi.

Cet Ardéchois de 43 ans vient en effet d'être désigné ministre du Travail, du plein emploi et de l'insertion. Un intitulé qui le place dans une perspective historique. La France est confrontée à un chômage de masse depuis la fin des années 1970.

Politiques de relance, politiques de l'offre... Les tentatives des différents gouvernements de droite comme de gauche ont échoué à inverser durablement la tendance haussière de la part des sans-emplois dans la population active. Le seuil des 5% a été franchi en 1979, celui de 7% en 1982, les 10% en 1993. Et si depuis la fin des années 90, le taux a fluctué, il n'est plus redescendu sous les 7% depuis plus de 40 ans.

Dans son interview du 14 juillet 1993, le président François Mitterrand fera même cet aveu resté célèbre: "Contre le chômage, on a tout essayé". "Sauf ce qui marche", ironisent depuis les politiques de tendance libérale.

Mais qu'est-ce que ce plein emploi inscrit sur la feuille de route du nouveau ministre? C'est une situation dans laquelle la quasi-totalité de la population active occupe un emploi. Ne reste alors qu'un chômage dit "frictionnel" qui correspond à des périodes durant lesquelles les actifs se trouvent entre deux emplois.

5% ou 3,5% le plein emploi

Alors qu'actuellement le taux de chômage en France est de 7,3% de la population active, le chemin à parcourir est encore long pour atteindre ce plein emploi. Il se situe en effet sous la barre des 5%. Ce taux n'est pas totalement arbitraire. Il a été fixe par l'Organisation internationale du travail (OIT) qui estime qu'avec un taux de chômage inférieur à 5% de la population active, un individu n'éprouve dans la quasi-totalité des secteurs d'activité aucune difficulté à trouver un emploi.

Dans une note de 2000, l'économiste Jean Pisani-Ferry qui avait contribué au programme économique d'Emmanuel Macron en 2017 estimait pour sa part que le vrai plein emploi était plutôt de l'ordre de 3,5% de la population active. Au-delà, des poches de chômage structurel pourraient se maintenir dépassant le seul chômage frictionnel.

Le taux de chômage supérieur à 5% en France depuis le 1er trimestre 1979.
Le taux de chômage supérieur à 5% en France depuis le 1er trimestre 1979. © Statista

Quel est l'objectif qu'Emmanuel Macron va assigner à son nouveau ministre? Si l'on en croît les promesses faites durant la campagne présidentielle, ce n'est pas le véritable plein emploi que l'actuel locataire de l'Elysée souhaite atteindre. Le président qui s'est dit "volontaire mais réaliste" s'est fixé l'objectif de faire baisser le chômage ces cinq prochaines années dans la même proportion que celle observée durant le premier quinquennat.

Au deuxième trimestre 2017, le taux de chômage en France était de 9,5% de la population active. Il est désormais de 7,3% selon l'Insee. Une baisse de 2,2 points en cinq ans. Si cette dernière se poursuit à la même vitesse jusqu'en 2027, on atteindrait donc un taux de 5,1% de la population active au chômage. Pas vraiment le plein emploi au sens littéral mais un taux que la France n'a plus connu depuis le premier trimestre 1979, veille du second choc pétrolier.

Comment y parvenir?

Pour atteindre cet objectif, le nouveau ministre aura donc fort à faire. Le candidat a promis que son gouvernement continuerait à réformer pour y parvenir. Un approfondissement de la réforme de l'apprentissage de 2018 est ainsi prévu avec l'objectif de former 1 million de jeunes par an contre 700.000 aujourd'hui. Sur les tablettes du ministre on trouve aussi la controversée réforme du RSA qui conditionnera la prestation à une contrepartie de 15 à 20 heures d'activité d'insertion par semaine.

Une nouvelle réforme de l'assurance chômage a aussi été évoquée. Le candidat Macron n'est pas entré dans les détails mais a laissé entendre que les conditions d'indemnisation pourraient encore être durcies dans un contexte de marché de l'emploi porteur.

Enfin, pour mieux accompagner les demandeurs, le gouvernement va transformer Pôle Emploi en "France Travail" qui rassemblera dans une même structure tous les acteurs de l'insertion professionnelle au niveau local comme les missions locales, les départements, les communes ou les associations de lutte contre la pauvreté.

Bref, Olivier Dussopt à du pain sur la planche pour redonner du travail à tous les actifs.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco