"Nous ne réglons pas nos comptes avec les agriculteurs": le patron de Lactalis s'explique sur la baisse des achats de lait

Le groupe Lactalis et la société Celia Laiterie de Craon, en Mayenne, ont été mis en examen dans l'enquête sur la contamination aux salmonelles de laits infantiles qui a touché des dizaines de nourrissons fin 2017 - DAMIEN MEYER © 2019 AFP
Cela a fait l'effet d'une bombe fin-septembre. Pour la première fois en près d'un siècle d'existence, Lactalis va acheter moins de lait auprès des producteurs français.
A partir de fin 2024, le groupe réduira "de l'ordre de 450 millions de litres" sa collecte annuelle "de quelque 5,1 milliards de litres" de lait d'excédent auprès des éleveurs français, a indiqué le groupe dans un communiqué.
Ce serait ainsi quelque 300 exploitations au niveau national qui perdraient leurs débouchées auprès de Lactalis, de très loin le premier acheteur de toute la filière.
Une décision notamment critiquée par la nouvelle ministre de l'Agriculture Annie Genevard qui a appelé "les leaders industriels à défendre [le] capital productif alimentaire" français. Au sommet de l'élevage début octobre, elle a même déploré "une très grande dépendance à un groupe comme celui-là est un facteur de fragilité pour vos exploitations, il faut réfléchir à une stratégie qui vous mette à l'abri de cette forme de mépris qui vous a été opposée", comme le rapporte France Bleu.
Face à l'avalanche de critiques, le directeur général de Lactalis a tenu à expliquer cette "décision difficile à prendre."
"Nous avons augmenté de 31% le lait acheté"
Dans Le Parisien, Jean-Marc Bernier, explique que 50% du lait collecté est vendu en France sous forme de lait ou transformé en beurre, crème, fromages ou yaourts, que 20% part à l'export mais que les 30% restants sont des sources de pertes.
"Ces excédents deviennent de la poudre de lait vendue sur un marché de plus en plus déprécié et soumis à des cotations internationales fluctuantes, explique le patron de Lactalis. La tonne cotait encore 4000 euros il y a un an et demi, contre 2500 euros actuellement. Notre difficulté, c’est qu’à partir du moment où vous êtes sur des marchés extrêmement mal valorisés, vous limitez votre capacité à mieux rémunérer vos producteurs."
Pour Lactalis, cette difficulté à valoriser une telle quantité de lait acheté l'empêche de mieux rémunérer les exploitants, dans un contexte de forte hausse des coûts de production.
"Je rappelle que la marge de Lactalis est de 1,4%, précise Jean-Marc Bernier. Nous sommes dans des équilibres difficiles avec aussi la responsabilité de 16.000 collaborateurs en France. À toutes fins utiles, sur les deux dernières années, nous avons augmenté de 31 % le prix du lait acheté."
En revanche, le directeur général du premier groupe laitier mondial refuse de faire un lien entre la hausse du prix de vente négociée avec les agriculteurs en avril et la baisse annoncée de la collecte. Ce n'est pas un règlement de compte.
"Je ne peux pas laisser dire ça parce que c’est faux ! Nous n’avons aucun compte à régler, assure-t-il. Qui a toujours soutenu la filière laitière française ? Qui lui a permis de produire et d’exporter ? [...] Il faut savoir que des concurrents comme Sodiaal, par exemple, ont déjà procédé à une baisse de leur collecte sur les excédents sans que cela suscite autant d’émoi."
Le DG de Lactalis doit par ailleurs rencontrer prochainement la ministre de l'Agriculture suite à ses propos peu amènes et rappelle son "intention d’investir en France à travers [ses] 68 sites industriels" et où "99,5 % des produits sont faits avec du lait français."
