"Négocier plutôt que bloquer": pourquoi le gouvernement ne veut pas interdire le rachat du Doliprane

Négocier plutôt que bloquer. C'est la stratégie du gouvernement concernant le rachat par le fonds d'investissement américain CD&R de la filiale Opella de Sanofi qui produit entre autres le Doliprane en France.
Alors qu'en pleine crise sanitaire, Bercy avait naguère opposé son veto à la prise de contrôle de Carrefour par le canadien Couche-Tard pour des raisons de "souveraineté alimentaire", cette fois la stratégie est différente.
Les ministres de l'Economie et de l'Industrie qui sont allés ce lundi matin à la rencontre des salariés de l'usine Opella de Lisieux n'ont pas souhaité pour le moment (et malgré les pressions politiques nombreuses) refuser l'opération comme le permet le Code monétaire et financier concernant la prise de contrôle d'activités sensibles comme la protection de la santé publique.
Alors qu'en 2021 lors du rapporhcement Carrefour/Couche-Tard, après des mois de pénuries de masques et autres gels hydroalcoolique, la priorité de gouvernement était sensible à la question de la souveraineté, c'est désormais l'investissement étranger qui est privilégié.
"La France n’est pas fermée aux investisseurs étrangers, au contraire, assure-t-on du côté de Bercy. Mais ça ne signifie pas qu’on n’a pas des engagements très précis."
Les quatre engagements réclamés par Bercy
Il ne s'agit donc pas d'un blanc-seing. En parallèle des négociations financières entre Sanofi et CD&R, le ministère de l'Economie discute d'engagements spécifiques auxquels devront se soumettre les deux actionnaires pour valider l'opération.
"Si cession il devait y avoir [...] nous demanderons des conditions extrêmement précises, fortes et intangibles sur la suite", a assuré le ministre de l'Economie Antoine Armand ce lundi matin depuis le site industriel de Lisieux.
En plus des conditions légales concernant les investissements étrangers en France (IEF), l'Etat négocie la signature d'un accord tripartite pour assurer la pérénité de l'activité en France et de maintien de l'emploi local.
Des engagements de quatre ordres: d'abord sur la gouvernance avec la localisation du siège d'Opella en France ainsi que des organes de décision. Puis sur le maintien de l'empreinte économique d'Opella en France (usines, investissements et recherche). L'Etat souhaite aussi que les parties s'engagent à s'approvisionner en France pour les molécules essentielles qui entrent dans les productions d'Opella. Enfin Bercy veut s'assurer que l'acquéreur continuera à soutenir la relocalisation de la production de la molécule de paracétamol. Sanofi s'était en effet engagé à se fournir auprès du chimiste français Seqens qui a investi 100 millions d'euros en 2021 pour produire la molécule sur son site de Roussillon (Isère).
Le gouvernement se veut optimiste sur l'issue de ces négociations. Les engagement aurait été acceptés, assure Bercy, lors des discussions informelles entre les parties.
"Cet accord aura lieu si le projet de cession arrive sur la table, indique le ministre. Ces garanties devront être respectées et nous nous assurerons qu'elles le seront en mobilisant tous les outils législatifs et règlementaires à notre disposition, y compris des pénalités et des sanctions."
Reste à savoir quelles seraient ces éventuelles sanctions si les engagements venaient à ne pas être respectés. Elles font l'objet des négociations de l'accord tripartite. Bercy précise qu'elles seraient essentiellement financières, sans donner plus de détail.
Pour rappel, lors d'un précédent, General Electric (GE), qui s'était engagé à créer un millier d'emplois nets en France après avoir acquis la branche énergie d'Alstom en 2015, s'était vu infliger une sanction financière de 50 millions d'euros quatre ans plus tard pour n'avoir créer que 28 emplois. L'activité est finalement "revenue" en France cette année avec le rachat de la branche nucléaire par EDF.
