BFM Business
Economie

Marco Polo: 700 ans après la mort de l'explorateur, les Nouvelles Routes de la Soie en héritage

placeholder video
Le 8 janvier 1324, à 70 ans, Marco Polo s'éteignait après une vie de voyages et plus de 15 ans passés en Chine. L'ouverture des Routes de la soie, à laquelle il a largement contribué, constitue un héritage économique toujours vivant.

Rares sont les figures historiques dont l'héritage est encore concrètement visible des siècles après leur mort. Marco Polo est de cette trempe. En poussant ses voyages jusque loin en Orient, l'explorateur vénitien a agrandi le champ des possibles du commerce mondial au XIIIe siècle.

Et 700 ans après sa mort, le 8 janvier 1324, à 70 ans, les routes ouvertes par Marco Polo (mais pas que) perdurent à travers l'initiative chinoise des Nouvelles Routes de la soie.

Marco Polo n'était pas un pionnier…

Marco Polo n'est pourtant pas le premier européen à avoir noué des contacts avec la Chine. C'est à Justinien, le dernier empereur romain, qu'il faut attribuer ce fait historique. Au VIe siècle après Jésus-Christ, il parvient ainsi entrer en contact et à commercer directement avec la Chine. Sans passer par l'intermédiaire, à l'époque incontournable, de la Perse. À ce moment-là, les Chinois sont les seuls à maîtriser la culture des vers à soie. L'étoffe est la plus précieuse et la plus mystérieuse des marchandises convoyées entre l'Orient et l'Occident.

Au Moyen-Âge, Venise la Sérénissime rayonne sur toute l'Europe en terme d'échange de marchandises. Les affaires et les contrats se concluent au pied du Rialto, le célèbre pont vénitien. Les investisseurs et les armateurs prennent les risques financiers. Les marchands et les explorateurs prennent les risques physiques. Ils se partagent ensuite les bénéfices de ces campagnes d'où ils rapportent des denrées rares à l'époque, comme les épices ou la soie.

À la fin du XIIIe siècle, Marco Polo, fils et neveu de marchand va donc tenter sa chance. Enfin, c'est ce que la légende a retenu. En réalité, il n'a fait que suivre les pas de ses parents. En effet, alors que Marco Polo n'est encore qu'un enfant, son père Niccolo et son oncle Matteo étaient parvenus, au terme d'un voyage de 10 ans (1260-1270), à atteindre l'actuelle Pékin où ils avaient rencontré l'empereur mongol Kubilai Khan.

… mais il a œuvré pour l'ouverture des Routes de la soie

Dans le cadre d'une mission confiée par le Pape, les deux hommes repartent dès 1271 vers l'Asie, cette fois accompagnés de Marco Polo, âgé de 17 ans et qui vit ici sa première aventure. L'objectif du voyage, qui va durer près de vingt ans, est double: nouer des relations diplomatiques et ouvrir les routes caravanières de la soie, passer des accords commerciaux directement avec l'empereur mongol Kubilai Khan, donc limiter les intermédiaires, les droits de douane. Et faire ainsi baisser les prix!

Les Polo passent par la Terre Sainte, l'actuelle Turquie, la Perse, traversent les steppes d'Asie centrale, la Mongolie et rejoignent ainsi l'actuelle Pékin. Le voyage a duré trois ans. Sur place, l'empereur s'entiche de Marco Polo, qui apprend d'ailleurs sa langue. Kubilai Khan en fait un de ses plus proches serviteurs et le nommera même gouverneur de la ville de Hangzhou, l'une des plus belles et plus riches cités de l'Empire. Le Vénitien explore alors comme personne avant lui les contrées orientales.

Le voyage de Marco Polo au XIIIe siècle.
Le voyage de Marco Polo au XIIIe siècle. © Mark Cartwright / WikiCommons

Fortune faite, Marco Polo rentre et termine sa vie dans sa ville de Venise. Il écrit le récit de ses aventures dans un livre intitulé Le devisement du monde ou Le livre des merveilles: un vrai précis de culture, et une description de la société chinoise de l'époque, notamment dans ses aspects commerciaux et économiques (mais aussi un récit d'aventure grandement fictionnalisé).

Les Routes de la soie sont toujours d'actualité

Pendant des siècles, les liens à la fois géographiques, commerciaux et diplomatiques noués par la famille Polo entre l'Europe et l'Asie ont perduré à travers les Route de la soie. Principalement terrestre, cet ensemble de routes caravanières s'est ensuite effacé au profit de liaisons maritimes, plus rapides et plus sûres, prémices du commerce mondial tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Mais en 2013, le président de la République populaire de Chine décide de lancer un chantier pharaonique: les Nouvelles routes de la soie. Ses objectifs sont toujours les mêmes que ceux des Romains et après eux des Vénitiens et de la famille Polo. Xi Jinping veut, grâce aux transports, ferroviaires notamment, s'assurer la maîtrise des routes commerciales entre l'Europe et l'Asie.

Benaouda Abdeddaïm : Un "corridor" logistique de l'Inde à l'Europe via le Moyen-Orient, une autre contre-offre aux routes de la soie - 11/09
Benaouda Abdeddaïm : Un "corridor" logistique de l'Inde à l'Europe via le Moyen-Orient, une autre contre-offre aux routes de la soie - 11/09
3:55

À travers des partenariats et des investissements colossaux, Pékin a mis sa patte partout: Kazakhstan, Russie, Biélorussie, Pologne, Allemagne, France, Royaume-Uni, Djibouti, Somaliland… Les difficultés économiques et diplomatiques que connaît la Chine depuis quelques années ont quelque peu freiné les ambitions de Pékin. L'Italie, seul membre du G7 a avoir rejoint le projet, pourrait ainsi en sortir.

Mais le projet, s'il est ralenti, n'est pas abandonné pour autant. D'autant que d'autres acteurs, comme le Kazhakstan, la Turquie ou l'Iran rêvent eux aussi de créer leur propre corridor. Et ainsi de s'assurer la maîtrise de ces routes transasiatiques, toujours aussi stratégiques.

Alexandra Paget, avec Clément Lesaffre