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Malgré un PIB de plus en plus important, les BRICS sont-ils une réelle menace pour l'Occident?

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Alors que s'ouvre le 15ème sommet des BRICS à Johannesburg, ce groupe de pays dits "émergents" n'a jamais été aussi puissant en termes économiques. S'ils veulent faire de l'ombre aux puissances occidentales, les BRICS constituent un ensemble hétérogène qui peine à parler d'une même voix.

"Ce n’est plus le monde développé et le monde en développement. Il s’agit d’un monde en ascension et d’un monde en descente". La sentence prononcée en mars dernier par le journaliste George Mack sur Twitter a fait grand bruit.

Car c'est en 2022 que les courbes se sont croisées entre le G7, le club des 7 pays les plus industrialisés de la planète (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) et les pays émergents des Brics qui regroupent Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

Ce dernier groupe, selon les données de l'institut britannique Acorn Macro Consulting, pèse désormais 31,5% du PIB mondial en parité de pouvoir d'achat quand le G7 ne représente "que" 30,7% de la richesse créée sur la planète. Au début des années 1990, le groupe des anciens champions industriels représentait encore 45% de la richesse mondiale, soit trois fois plus que les Brics qui dépassaient à peine les 15%.

Et l'écart devrait continuer à se creuser. Le poids relatif du G7 devrait selon Acorn poursuivre sa baisse et tomber largement sous les 30% d'ici la fin de la décennie alors que celui des Brics devrait selon ces mêmes prévisions frôler les 35%.

Inventé en 2001 par Goldman Sachs, le terme de Brics était au départ le qualificatif informel donné aux économies émergentes à croissance rapide. Mais depuis 2009, les pays ont décidé de se structurer et de se réunir lors de sommets annuels comme celui qui débute ce mardi à Johannesburg en Afrique du Sud et ce afin de faire contre-poids à la puissance américaine sur la scène mondiale.

Ce "club des cinq" promeut la reconnaissance d'un équilibre économique et politique mondial multipolaire, en rupture avec les organisations héritées de l'après-Seconde guerre mondiale comme la Banque mondiale et le FMI. L'objectif à moyen terme de ces pays qui représentent 18% du commerce mondial est déjà de se passer du dollars dans leurs échanges.

Critiques vis-à-vis de la prédominance du billet vert dans les échanges internationaux, un de leurs sujets de réflexion tourne autour des moyens de s'affranchir du dollar. Le Brésil et la Chine ont conclu en début d'année un accord bilatéral pour régler leurs échanges dans leurs monnaies locales.

Une attractivité réelle

Une autonomie que ces nouvelles puissances veulebnt acquérir en actionnant les leviers du soft power, c'est à dire de l'influence sur la scène internationale. Les Brics ont ainsi annoncé le mois dernier leur volonté de créer leur propre classement international des universités, lors d'un sommet des ministres de l'Éducation en Afrique du Sud. Moscou estime notamment que les universités russes sont exclues de certains classements internationaux pour des raisons politiques.

L'attractivité de ces jeunes puissances est d'ores et déjà établie. Puisque une vingtaine de pays ont demandé à rejoindre les Brics, dont la croissance économique est surtout portée par la Chine et l'Inde, et autant ont fait part de leur intérêt, selon Pretoria le mois dernier.

Iran, Argentine, Bangladesh et Arabie Saoudite font partie des aspirants. Un des facteurs d'attraction est notamment la création par les Brics d'une Nouvelle banque de développement (NDB) dont l'ambition est d'offrir une alternative à la Banque mondiale et au FMI. La structure, dont le siège est à Shanghai, a investi 30 milliards de dollars depuis sa création en 2015, dans des projets d'infrastructure et de développement durable dans les États membres et les économies en développement.

Si la puissance économique des Brics est réelle, le chemin est encore long avant de prendre la place du G7 dans le monde. D'abord parce que la force de ces économies est avant tout démographique avec une population globale de 3,2 milliards d'habitants. Le PIB par habitant est en moyenne de 8000 dollars au sein de ces pays en 2022 quand il frôle les 50.000 dollars au sein du G7. La classe moyenne de ces économies émergentes est encore largement moins riche que que celles des pays occidentaux. Les Brics sont d'ailleurs pour la plupart dépendants des populations occidentales pour vendre leurs produits.

Des divergences politiques importantes

La puissance des Brics est de plus très liée à la croissance rapide des économies asiatiques. Depuis 2013, la croissance du Brésil, de l'Afrique du Sud et de la Russie est de 1% en moyenne, soit un rythme moindre que les économies du G7. Seules la Chine et l'Inde méritent aujourd'hui le qualificatif que de pays à croissance rapide avec une moyenne de 6% sur la dernière décennie.

"Les économies des cinq pays des Brics ne sont pas du tout convergentes, rappelle Laurence Daziano, économiste, maître de conférence à Science Po sur BFM Business. Vous avez trois pays qui sont le Brésil, la Russie et l'Afrique du Sud qui ont une croissance inférieure à 1% alors que la Chine et l'Inde ont des croissances de 5 à 6% par an. [...] Il n'y a pas non plus beaucoup d'échanges entre eux. C'est ce qui rend la volonté d'avoir une monnaie commune difficile."

De plus, les divergences politiques au sein des Brics sont bien plus importantes qu'au sein du club occidental. Les puissances du G7 sont toutes des démocraties libérales réunies pour la plupart au sein d'organisations militaires comme l'Otan. S'il peut y avoir des rivalités commerciales entre les Etats-Unis et l'Union Européenne par exemple, du côté des Brics les régimes sont bien plus hétérogènes et les intérêts divergents.

Entre la démocratie indienne, l'autocratie russe mise au ban de la communauté internationale depuis la guerre en Ukraine ou encore le régime chinois sans liberté politique, les Brics évitent les sujets politiques lorsqu'ils se réunissent et n'ont pas de modèle à proposer autre que le développement économique.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco