BFM Business
Economie

Loi Climat: quels sont les sujets qui coincent?

Rencontre entre Emmanuel Macron et les citoyens de la Convention climat en novembre 2020 à Paris

Rencontre entre Emmanuel Macron et les citoyens de la Convention climat en novembre 2020 à Paris - Thibault Camus © 2019 AFP

Le projet de loi Climat et résilience issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat entend réguler certains secteurs comme la publicité. Malgré les reculs, les oppositions sont au rendez-vous.

Le projet de loi Climat et résilience est sur les rails. Il est présenté ce mercredi en Conseil des ministres et sera débattu pendant trois semaines par les députés à la fin du mois de mars après un examen réalisé par une commission spéciale composée de députés issus de différentes commissions parlementaires.

La plupart des propositions sont issues des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Et même si le gouvernement s'est attaché à nuancer voire diluer nombre d'entre elles pour éviter une fronde des industriels et secteurs concernés (qui ont largement fait pression sur l'exécutif), beaucoup de ces mesures risquent de provoquer grincements de dents et oppositions frontales. En voici quatre.

> Régulation de la publicité

C'est un des sujets les plus sensibles. Il s'agit de réguler la publicité pour les produits et services les plus polluants sur tous les médias (presse, TV, radio, Internet, affichage).

Officiellement, le gouvernement a bel et bien retenu la proposition de régulation de la publicité mais il l'a fortement diluée. Au départ, il s'agissait d'imposer une limitation forte voire des interdictions pures et simples de certaines publicités (automobiles les plus émettrices de CO2, vols longs courriers...)

Le projet de loi prévoit désormais une obligation d'affichage à destination des consommateurs d'une information sur les caractéristiques environnementales d'un produit ou d'un service (score-carbone). Les seules interdictions concernent la publicité en faveur des énergies fossiles et les avions publicitaires.

Un article prévoit également la "promotion" par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de "codes de bonne conduite visant à réduire efficacement les communications commerciales audiovisuelles relatives à des produits ayant un impact négatif sur l'environnement".

Pour autant, l'opposition (voire des députés de la majorité) pourraient proposer des amendements plus sévères pour se rapprocher de la proposition initiale de la Convention citoyenne. Le gouvernement attend aussi du secteur des mesures et des initiatives fortes. Il pourrait être tenté, à travers des amendements, de revenir à une position plus dure lors des débats s'il perçoit une inertie chez les parties prenantes.

Les médias et les acteurs de la publicité ont en tout cas déjà prévenu. Etant donné le contexte, des interdictions provoqueraient des pertes considérables. L'automobile ou l'aérien sont d'importants annonceurs. Les investissements annuels bruts de ces secteurs sont évalués à 5 milliards d'euros. Un syndicat évalue les pertes de recettes à 20 à 30% selon les médias.

> Retour de la consigne pour le verre

La proposition vise à généraliser une consigne pour les bouteilles et contenants en verre d'ici à 2025. L'idée est de mettre en place une consigne pour récupérer les emballages en verre en vue de les laver et de les réutiliser.

Une mesure qui effraie l'industrie des spiritueux. Elle explique que le secteur est composé à 90% de PME et qu'une telle mesure entraînerait une logistique quasiment impossible à mettre en place. D'autant plus qu'il y a une multitude de formats de bouteille ce qui limite les possibilités de standardisation.

"Consigner tous les emballages en verre revient donc à imposer quelques formats standardisés pour tous les vins et alcools. Les conventionnels l’ont bien compris. Mais l’emballage étant devenu pour les marques un outil de différenciation crucial, la consigne ne présente en réalité que de sérieux inconvénients", résume Emballages Magazine dans un article au vitriol.

La Fédération française des spiritueux (FFS) met en avant le modèle de recyclage du verre qui fonctionne très bien depuis plus de 40 ans en France. Selon elle, 78% des emballages en verre mis sur le marché sont aujourd'hui recyclés, c'est plus que la moyenne européenne. Et de rappeler que chaque tonne de verre recyclée permet d'économiser près de 1,2 tonne de matériau vierge et évite 500 kg d’émission de CO2.

> 20% de vrac dans la grande distribution

Le projet de loi prévoit qu’un commerce de détail de plus de 400 m² devra consacrer au moins 20% de sa surface au vrac et ce dès le 1er janvier 2030. Il s'agit de limiter l'utilisation d'emballages et de plastiques.

Même si encore une fois le gouvernement va bien moins loin que la Convention climat qui plaidait pour une montée progressive jusqu'à 50% en 2030, le secteur de la distribution s'interroge, les enseignes opérant des hypermarchés surtout.

Car un hyper de 2500 mètres carrés devra ainsi consacrer 500 mètres carrés au vrac, soit une superficie colossale, parfois plus importante que sa zone d'épicerie actuelle. Le secteur favorable à cette mesure la juge néanmoins encore "excessive" et trop figée. Il appelle le gouvernement à laisser les enseignes gérer la taille de ces espaces en fonction de la demande et de la surface du magasin.

La grande distribution s'inquiète également des coûts générés: nouvelle logistique, étiquetage compliqué, personnel supplémentaire, traçabilité des aliments...

> Interdiction des liaisons aériennes réalisables en train en moins de 2h30

L'idée: interdire les vols intérieurs dès lors qu’une alternative ferroviaire existe en moins de deux heures et demi sauf en cas de correspondance. Evidemment, dans un contexte où les compagnies aériennes sont à terre à cause de la pandémie covid, la mesure est fraîchement accueillie.

Mais le secteur s'en sort bien. La proposition initiale prévoyait une interdiction si des liaisons ferroviaires de 4 heures existaient. Et au final, selon un rapport de Greenpeace, les vols intérieurs les plus polluants: Paris-Nice (5h58 en train), Paris-Toulouse (4h14) et Paris-Marseille (3 h) échappent au dispositif.

Seules trois liaisons seraient en fait concernées par la mesure gouvernementale: Paris-Bordeaux, Paris-Lyon et Paris-Nantes.

Autres sujets de friction: le gouvernement se réserve le droit d’augmenter la taxe de solidarité sur les billets d’avions lorsque le trafic aura retrouvé son niveau de 2019 tandis les projets de nouveaux aéroports ou d’extensions ne pourront être déclarés d’utilité publique s’ils entraînent une hausse des émissions par rapport à 2019.

> Fin de l’exemption fiscale sur le gazole routier

Principale mesure de ce texte pour le secteur, la fin de l'exemption fiscale sur la TICPE (taxe intérieure de consommation des produits énergétiques) du gazole routier. C’est aujourd’hui la principale subvention accordée aux énergies fossiles par le gouvernement. Elle représente chaque année plus de 6 milliards d’euros.

Cette suppression sera progressive et s'étalera jusqu'en 2030 et sera "accompagnée d’un soutien à la transition énergétique du secteur du transport routier".

A terme, le prix du gazole routier pourrait augmenter de 15% par litre ce qui provoquera, selon une étude d'impact, une hausse du coût du transport routier de 3,5% et un coût annuel pour le secteur de 70 à 80 millions d'euros.

Cette suppression irrite fortement le secteur: "le remboursement partiel de la TICPE n’est pas un cadeau fiscal aux entreprises de transport routier, il est un mécanisme européen essentiel pour préserver notre compétitivité face à une concurrence étrangère très rude. Il est inconcevable et contreproductif qu’au moment où la profession va avoir besoin de plusieurs milliards d’investissement par an pour accélérer la transition énergétique, l’Etat décide de lui retirer près d’1,5 milliard et d’anéantir ses marges et toute capacité d’investissement" réagissent ainsi les organisations professionnelles du transport routier de marchandises.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business