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Logement, situation familiale, éducation… Ces inégalités que le confinement a exacerbées

Des personnes à la fenêtre de leurs appartements applaudissent les personnels soignants, le 30 mars 2020 à Paris pendant confinement instauré en France

Des personnes à la fenêtre de leurs appartements applaudissent les personnels soignants, le 30 mars 2020 à Paris pendant confinement instauré en France - GEOFFROY VAN DER HASSELT © 2019 AFP

Si le confinement a été plutôt bien vécu par les Français, les ménages les plus modestes et les femmes ont davantage souffert que les autres de cette période particulière.

L’expérience du confinement n’a pas été vécue de la même manière par l’ensemble des Français. En cause, les inégalités préexistantes entre les individus dont certaines se sont accentuées durant la période, explique le Trésor dans une note publiée récemment.

Les inégalités les plus flagrantes sont liées au logement alors que quatre millions de personnes seraient mal logées en France dont 150.000 sans domicile et 900.000 vivraient en situation de "surpeuplement accentué". Mais le confinement a aussi mis en lumière et renforcé "de nombreuses inégalités entre logements ordinaires", souligne la Direction générale du Trésor. A commencer par les différences de superficies, directement liées aux inégalités socioéconomiques.

Ainsi, les cadres auraient un logement en moyenne 1,5 à 2 fois plus vaste que les ménages inactifs, d’ouvriers ou d’employés. Et parmi les Français vivant en appartement, 67% des cadres disposeraient d’une terrasse ou d’un balcon, contre 36% des inactifs. Enfin, près de 40% des cadres ou professions intermédiaires n’auraient pas de vis-à-vis contrairement aux ménages d’ouvriers ou d’employés "surexposés aux vues urbaines denses".

Notons tout de même que les indépendants et ouvriers sont plus nombreux à vivre en maison individuelle que les cadres et professions intermédiaires qui résident davantage en zone urbaine. "Les classes populaires bénéficieraient donc plus souvent d’un accès à un espace extérieur que les ménages plus aisés", explique la Direction générale du Trésor.

Isolement

10,5 millions de personnes, soit 16% de la population, vivent seules en France. Et un quart d’entre elles ont plus de 75 ans. Ces ménages sont considérés comme plus vulnérables à l’isolement en raison du confinement, "aussi bien sur le plan psychologique que pratique (faire ses courses, se soigner…)". D’autant que 9,6% des personnes seules vivent sous le seuil de pauvreté, contre 8% dans l’ensemble de la population.

Parmi les personnes "objectivement isolées" (personnes vivant seules et ayant peu de contact avec leurs proches), 10% ont aussi un moindre recours aux moyens de communications virtuels. Il s’agit pour la plupart d’homme âgés, peu diplômés et aux revenus modestes. Mais également de personnes handicapées dont 70% vivraient seules en France et constitueraient ainsi une population particulièrement fragile en période de confinement.

Inégalités hommes-femmes

Dans sa note, le Trésor estime que le confinement a pu "renforcer les inégalités préexistantes au sein du foyer, les femmes réalisant déjà d’ordinaire 64% des tâches ménagères et 71% des tâches parentales". Des propos appuyés par une enquête menée auprès de Français confinés qui révèle que les femmes ont passé plus de temps à s’occuper des enfants et à faire du ménage qu’habituellement pendant la période. Elles sont par exemple 70% à avoir supervisé tous les jours le travail de leurs enfants, contre moins d’un homme sur trois (32%).

Un autre sondage cité par le Trésor affirme que des tensions ou des désaccords concernant la répartition des tâches ménagères seraient survenus dans un tiers des couples au cour du premier mois de confinement. "Or l’inégale répartition du travail domestique non rémunéré n’est pas sans conséquences sur les inégalités salariales entre les hommes et les femmes", rappelle la note. Sans oublier les violences domestiques qui "pourraient avoir été exacerbées par le confinement".

Au final, si une large majorité de la population dit avoir plutôt bien vécu la période de confinement, les femmes se montrent beaucoup moins enthousiastes que les hommes: 24% des femmes en couple avec enfants et 19% de celles sans enfants (contre 9% et 4% des hommes) se déclarent "peu ou pas satisfaites" de cette période particulière.

Education

Les inégalités de logement évoquées plus haut ont eu un impact direct sur les conditions d’apprentissage des enfants pendant le confinement. En France, un tiers des 25% des enfants les moins performants à l’école partagent leur chambre avec un autre membre du domicile, ce qui ne leur permet pas toujours de disposer d’un endroit au calme pour étudier. A l’inverse, seuls 15% des enfants les plus performants sont dans cette situation.

En outre, les enfants des ménages les plus modestes sont 3,5 fois plus nombreux à ne pas disposer de connexion à Internet que ceux des plus aisés. Au total, 2% des enfants de moins de 17 ans ne disposent pas d’un abonnement ou du matériel nécessaire pour se connecter à Internet. Une proportion qui grimpe à 3,5% pour les enfants des familles monoparentales et 5% chez les élèves les plus en difficulté. De la même manière, seuls 64% des foyers à bas revenus disposent d’un ordinateur (contre 92% pour les hauts revenus).

Enfin, le suivi pédagogique a été inégal d’une famille à l’autre pendant le confinement. Certains parents n’ayant pas forcément les ressources nécessaires pour s’en charger (manque de temps, niveau d’éducation, culture numérique…). Et "ces différences de conditions d’apprentissage risquent de renforcer les inégalités d’éducation existantes", indique le Trésor qui estime aussi que "les annulations de certains examens", remplacés par "des notes moyennes prédictives", pourrait conduire à "une sous-évaluation regrettable" de ces élèves.

Et de conclure en mettant en garde contre les déscolarisations qui "pourraient s’être multipliés pendant le confinement, favorisées par le stress accru, le manque de contacts avec les enseignants et les pairs et la perte de motivation".
https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco