Les primes vont-elles de plus en plus se substituer aux augmentations de salaires?

Les salariés de TotalEnergies en France démarrent une grève d'au moins trois jours, pour réclamer notamment une hausse de leurs salaires - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP
Augmenter les salaires ou verser des primes? Alors que les syndicats réclament généralement des augmentations pérennes, les entreprises plus frileuses préfèrent ne pas s'engager sur le long terme avec un accroissement de la masse salariale.
La nouvelle proposition faite cette nuit par la direction de TotalEnergies inclut ainsi outre une augmentation globale de 7% pour 2023 (5% de hausse générale plus 2% d'augmentations individuelles) des primes qui seraient comprises entre 3000 et 6000 euros sur l'année 2022, au titre du partage de la valeur.
Une proposition validée par les syndicats CFE-CGC et CFDT (majoritaires chez TotalEnergies) mais pas par la CGT. Pour rappel, le syndicat à l'origine de la grève réclame 10% d'augmentation de salaire.
Or entre l'augmentation de 3,5% accordé par TotalEnergies et la prime qui représente environ un mois de salaire supplémentaire (soit 8,3%), les 10% sont atteints voire dépassés pour l'année 2022. Mais ce n'est pas ce que réclame la CGT.
Le salaire c'est des cotisations
"Une augmentation de salaire ce n'est pas une augmentation avec les primes, c'est sans les primes, explique Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT sur BFMTV. Nous réclamons une augmentation de salaire de 10% sans les primes."
Pour le syndicat, l'augmentation de salaire à la différence de la prime joue sur l'effet dit de cliquet. Une fois augmenté, le salaire ne s'ajuste pas à la baisse. Alors que la prime peut ne plus être versée les années suivantes.
Par ailleurs, les dispositifs actuels permettent de verser des primes à moindre frais. Les entreprises qui versent ces bonus le font dans le cadre de la prime de partage de la valeur (ex-prime Macron). Les sommes versées sont donc exonérées d'impôt et de cotisation jusqu'à 3000 euros et même jusqu'à 6000 euros si des accords d'intéressement et de participation ont été conclus dans l'entreprise.
"Nous on tient aussi à une augmentation de salaire de 10% parce que ça nous permet de plus cotiser pour les retraites", rappelle Céline Verzeletti de la CGT.
Si en cette période d'inflation, les hausses de salaires ont été plus importantes que les années précédentes (+4,3% en moyenne dans les entreprises de plus de 50 salariés selon le groupe Alixio), la plupart des entreprises ont opté pour une large partie pour le versement de primes.
C'est le cas chez LVMH, Stellantis, Bouygues, Air France, Nexans ou encore Groupama. Des bonus qui ne satisfont pas les syndicats. Après l'annonce par Stellantis fin septembre d'une prime pouvant aller jusqu'à 1400 euros, de nombreuses usines du groupes ont débrayé.
La prime "est un premier pas, mais cela ne répond pas aux attentes", a estimé la CFDT de Stellantis pour qui "l'augmentation des salaires est une nécessité, on ne résoudra pas le problème de l'inflation et du pouvoir d'achat à coups de primes".
Y'a-t-il un risque à terme que les primes se substituent aux augmentations de salaires? La prime de partage de la valeur qui devrait devenir pérenne en 2024 (elle ne sera alors plus qu'exonérée de cotisation sociale) offre une marge de manoeuvre importante aux entreprises avec son plafond très élevé.
Selon la sénatrice (LR) Frédérique Puissat, rapporteure de la commission des Affaires sociales, il y a un risque que la prime ne devienne "un élément à part entière de politique salariale". Un rapport d'évaluation de la "prime Macron" sera remis avant la fin d'année 2024. Il devrait notamment évaluer les effets de substitution des primes aux augmentations de salaire.
