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Le marché du travail français se porte bien, qui doit-on remercier?

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Les chiffres du premier trimestre ont confirmé la bonne dynamique du marché du travail en France. Le gouvernement se félicite mais la baisse du chômage n'est pas un phénomène seulement hexagonal. Le reste de l'Europe est également concerné. Alors, à qui l'attribuer?

Le marché du travail en France se porte bien. Le taux de chômage a continué de décroître pendant les trois premiers mois de l’année pour atteindre 7,1%, son plus bas niveau depuis 40 ans. Quant au taux d’emploi (la part des 15-64 ans ayant un emploi), il a également atteint des sommets inégalés depuis 1975.

Si récemment, la bonne santé du marché du travail contraste avec une croissance atone qui révèle une chute de la productivité prononcée, pour le gouvernement ce n’est pas une raison de gâcher son plaisir. Et l'exécutif ne se prive pas de petites séquences d'autocongratulation.

“Pour la première fois dans son histoire récente, la France a une croissance qui crée de l’emploi", s'est félicité le ministre de l’Économie Bruno Le Maire au micro de BFMTV en avril.

"Ces 6 dernières années, nous avons créé 1,7 million d’emplois, plus que nos voisins", a renchéri Emmanuel Macron le même mois, après avoir énuméré les mesures qui ont permis cette dynamique: baisse des impôts, de la fiscalité sur le capital, du coût du travail, simplification des règles et réformes…

Mais, la vigueur du marché du travail français, qui ne faiblit pas (encore), est-elle à mettre uniquement au profit de l’Etat? La tendance baissière du chômage ne se vérifiant pas seulement en France mais dans toute l’Europe, la question se pose.

Dynamique internationale: chômage et productivité baissent aussi en Europe

À 6,5% de la population active, le taux de chômage de la zone euro a atteint son plus bas historique en avril et ce, dans un contexte global d’une productivité en berne. Il s'élevait à 6% pour l'ensemble de l'Union européenne. Au sein de l'UE, seules la Grèce et l'Espagne affichent encore un taux de chômage à deux chiffres, respectivement de 10,8 et 13,3%, alors qu'ils étaient sept dans cette situation en 2016.

Que se passe-t-il sur le Vieux Continent? Le rapport "Vivre et travailler en Europe 2022", publié en mai par l’agence communautaire Eurofound, fait le constat de la santé retrouvée du marché du travail européen à la suite de la pandémie mais avertit, entre autres, des pénuries de main-d’œuvre. En effet, Allemagne, Espagne, Suisse, Autriche… quasiment aucun pays n'échappe à cette pénurie qui semble être un soutien important au taux d'emploi dans un moment où l'économie ralentit.

"Cela amène les entreprises à garder des employés qu’elles auraient virés autrement", détaille Gilbert Cette, professeur à NEOMA Business School.

Des salariés potentiellement moins productifs gardés en poste: une bonne nouvelle pour les chiffres de l'emploi mais pas nécessairement pour la croissance.

Par ailleurs, pour Gilbert Cette, un autre facteur plus global a soutenu l'emploi en Europe, ces trois dernières années notamment: les firmes ont pu emprunter de l’argent facilement, ce qui a permis de sauver "des entreprises qui seraient mortes sinon". Même aujourd’hui, les taux d’intérêts réels (corrigés du taux d’inflation) sont négatifs, dit-il.

Quant à quantifier l'effet de chaque facteur, nationaux ou internatinaux, Gilbert Cette prévient qu'il serait "très imprudent de le faire".

Dynamique nationale: "Il y a quelque chose spécifique à la France”

Andrew Kenningham, chef économiste pour l’Europe à Capital Economics, le dit sans ambages: "il y a quelque chose de spécifique à la France".

"Le marché français est le plus performant en termes de création d’emplois" depuis 2019, note-t-il.

Ces bons chiffres seraient à mettre au crédit, en grande partie, des réformes du gouvernement parmi lesquelles celle sur l'apprentissage qui a permis son développement massif ces dernières années. Si l'on ne regarde que l'année dernière, 837.000 contrats d'apprentissage ont été signés, une hausse de 14% par rapport à 2021. D'autres réformes, comme la loi Pénicaud, ont stimulé le marché, estime l'économiste. Des spécificités françaises.

Andrew Kenningham prévient tout de même que "la France partait d'un niveau inférieur à celui des autres pays et avait donc plus de marge de progression".

En effet, le taux de chômage français ne fait pas pâlir d'envie la plupart de ses voisins. L'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas ou encore la Belgique, pour n'en citer que quelques-uns, enregistrent des taux inférieurs.

L'action du gouvernement a par ailleurs permis à la France d'échapper à la récession qui touche la zone euro en ce début d'année, note également Gilbert Cette.

Mais Andrew Kennigham s'interroge: "Combien de temps les mesures prisent par le gouvernement vont soutenir le marché du travail en France?" S'il n'a pas la réponse, les prévisionnistes s'accordent à dire que le taux de chômage devrait remonter dans les prochains mois.

Olivia Bugault