Le gouvernement joue-t-il à un jeu dangereux en taillant dans les aides à l'apprentissage?

Toujours dans sa recherche d’économie, le gouvernement s’apprête à donner un coup de canif dans son ambitieuse politique sur l’apprentissage. Un décret devrait prochainement être publié mettant fin aux aides financières pour les entreprises qui signent des contrats de professionnalisation avec des apprentis de moins de 30 ans.
Le 1er mai ce sera la fin des aides mises en place durant le Covid pour ces apprentis sans formation initiale qui sont aujourd'hui comprises entre 3.000 et 6.000 euros selon la durée du contrat proposé (c’était 8.000 euros pour les majeurs au début du dispositif en 2020).
Les jeunes sans diplôme qui cherchent une entreprise pour une alternance pourraient avoir plus de mal à en trouver dans les mois qui viennent.
Le but pour le ministère du Travail étant évidemment de faire des économies. Cet allègement du dispositif devrait permettre d'économiser un maximum de 180 millions d'euros selon le calcul des Echos mais sans doute beaucoup moins. On rappelle que le gouvernement cherche à faire 10 milliards d'euros d'économie dans le Budget 2024.
Aller tailler dans la manne de l'apprentissage pour les entreprises est tentant. Le soutien public s'élève entre 15 et 20 milliards d'euros selon les estimations. L'essentiel concerne les contrats d’apprentissage des jeunes en formation initiale: les alternances en CAP, Bac pro, BTS, voire école de commerce ou d'ingénieur. En 2023, ce sont 860.000 nouveaux contrats d'apprentissage qui ont été signés pour seulement 116.000 contrats de professionnalisation, les seuls concernés par la fin des aides.
Un dispositif d'insertion efficace
Mais certains députés de la majorité souhaiteraient aller plus loin et "débrancher" les alternants en master du dispositif d'aide voire tous ceux qui sont en formation post-bac général. Ces derniers auraient beaucoup moins de difficultés d'insertion et il s'agit pour les entreprises qui profitent de ces subventions d'un effet d'aubaine.
Des signaux négatifs sur l'apprentissage alors même que le nombre d'alternants semble plafonner après des années de très forte croissance. Les différentes réformes de l'apprentissage depuis 2018 ont libéralisé et massivement subventionné les entreprises pour favoriser l'insertion en s'inspirant du modèle allemand. Le nombre d’apprentis a ainsi bondi de 180% depuis 2017.
Selon l’Insee, cette politique en faveur de l'apprentissage est à l’origine à elle seule d’un tiers des créations d’emplois depuis 2019. Elle a notamment favorisé l'insertion des jeunes sans diplôme puisque leur nombre a fondu de 30% entre 2017 et 2021, passant de 833.000 à 588.000.
S’attaquer à l’apprentissage (même à la marge) pour faire des économies alors même que l’objectif du plein emploi s’éloigne semble être un pari risqué de la part du gouvernement.
