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La France exporte pour 170 milliards d'euros par an aux États-Unis et les entrepreneurs ont peur de Donald Trump

Le président Donald Trump lors d'une conférence de presse à propos du crash d'avion survenu à Washington, le 30 janvier 2025.

Le président Donald Trump lors d'une conférence de presse à propos du crash d'avion survenu à Washington, le 30 janvier 2025. - ROBERTO SCHMIDT / AFP

600 chefs d'entreprises et banquiers réunis ce mardi à Bercy ont fait part de leurs craintes face retour du protectionnisme souhaité par le président américain alors que les Etats-Unis sont un partenaire commercial majeur de la France.

"Celui qui ne s'inquiète pas n'a pas les pieds sur terre". L'ombre de Donald Trump et ses taxes douanières plane cette année au salon Bercy France Export, rendez-vous des entrepreneurs exportateurs organisé au ministère de l'Économie.

Environ 600 participants, chefs ou cadres d'entreprises, banquiers, acteurs publics, étaient réunis ce mardi matin à l'ouverture de ce salon annuel qui donne le coup d'envoi de "la semaine de l'export", une initiative de la Direction générale du Trésor qui se tient cette année quelques semaines après le retour du milliardaire américain à la Maison-Blanche.

"On revient à un climat de protectionnisme, forcément il y aura des impacts", craint Nicolas Manon, directeur financier chez Bernhardt Deltasacs, spécialisé dans l'emballage, interrogé par l'AFP en marge du salon.

Ces craintes se sont déjà traduites concrètement dans son entreprise. "Notre principal client américain a anticipé la mise en place de taxes et a refait ses stocks en fin d'année dernière", signale-t-il, avant l'investiture de Donald Trump.

"Très bientôt"

Car sitôt revenu aux commandes en janvier, le président américain est vite passé aux actes: il a annoncé samedi l'imposition de taxes douanières punitives envers le Mexique, le Canada et la Chine, avant d'accorder lundi un délai d'un mois à Mexico et Ottawa, tout en assurant dimanche qu'il prendrait une décision "très bientôt" s'agissant de l'Europe.

Au cours de son premier mandat de président américain (2017-2021), Donald Trump avait notamment imposé des droits de douane sur les exportations européennes d'acier et d'aluminium, obligeant l'Union européenne à répliquer par des droits de douane plus élevés.

Dans ce climat très incertain, Bruxelles élabore depuis des mois des scénarios pour s'assurer qu'elle est prête à faire face, au cas où Donald Trump déciderait de déclencher un nouveau conflit commercial avec l'UE.

Qu'ils aient ou non des clients aux États-Unis, les dirigeants d'entreprises françaises présents à Bercy mardi s'inquiètent d'un effet domino sur le commerce international.

"La Corée du Sud pourrait subir des pressions pour acheter américain et moins européen", anticipe un patron de PME spécialisée dans les biens d'équipements, qui n'a pas souhaité donner son nom. Il compte des clients à Séoul et craint que ce marché ne se tarisse.

"Celui qui n'est pas inquiet n'a pas les pieds sur terre", répond de son côté une cadre d'entreprise dans le secteur aéronautique, qui a elle aussi voulu rester anonyme.

S'exprimant en ouverture du salon mardi, le ministre de l'Economie et des Finances Eric Lombard a consacré une partie de son discours au nouveau paradigme américain, tentant de rassurer ces responsables d'entreprises.

"Immense partenaire"

"C'est une relation sur laquelle nous allons travailler", a promis Eric Lombard, en affirmant que l'Europe sera "mobilisée pour défendre ses intérêts".

Les États-Unis, "c'est un immense partenaire", a rappelé le ministre, mettant en avant ce "premier débouché à l'exportation" avec 170 milliards d'euros de biens et services français écoulés en 2023 dans ce pays.

C'est aussi le premier employeur étranger en France et le premier investisseur étranger, a-t-il relevé. Selon le Trésor, plus de 4.600 entreprises américaines employaient plus de 480.000 salariés en France en 2021; et en 2023, il y avait 140 milliards d'euros directement investis en France par des entreprises américaines.

"Mieux préparés qu'en 2017"

"Ce qui domine aujourd'hui, c'est l'incertitude tant sur l'ampleur que sur la faisabilité des mesures (qu'envisage le président américain), ou sur le calendrier", a souligné Dorothée Rouzet, cheffe économiste du Trésor, intervenue sur scène peu après le ministre.

"On est beaucoup mieux préparés qu'en 2017, à la fois parce que ça a été davantage anticipé et qu'on peut s'appuyer sur l'expérience acquise par le premier mandat de Trump", a-t-elle estimé.

Certains professionnels rencontrés à Bercy se montrent moins pessimistes que d'autres.

"Cela ne va rien changer", veut ainsi croire une responsable de banque française, qui doute que les États-Unis représentent un enjeu aussi majeur pour l'économie française aujourd'hui.

Selon elle, la Chine prend de plus en plus de place, et cela vaut pour les intérêts économiques français, orientés de plus en plus vers ce pays.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi avec AFP Journaliste BFM Éco