JO-2024: l'impact de l'événement sur l'activité économique est-il surestimé?

C'est un peu la question à un million: quelles seront les retombées des Jeux olympiques sur l'économie française et surtout celle de l'Île-de-France qui concentrera la grande majorité des épreuves? L'Institut nationale de la statistique et des études économiques (Insee) et la Banque de France ont tenté de donner quelques éléments de réponses lors d'une conférence organisée mercredi aux côtés de patrons et représentants de secteurs d'activité particulièrement concernés par l'événement.
"Pour l'instant, il n'y a pas eu véritablement de simulation qui permette de mesurer l'impact des JO sur le PIB, a rappelé Vincent Biausque, adjoint à la directrice régionale en charge des Jeux olympiques et paralympiques pour l'Insee Île-de-France. En revanche, il y aura des estimations de l'impact sur le PIB à l'issue des JO."
D'après une enquête réalisée par la Banque de France en juillet dernier, 28% des chefs d'entreprise estiment que la tenue des Jeux olympiques à Paris en 2024 aura un impact sur leur activité avec quelques disparités entre les secteurs d'activité: le pourcentage grimpe à 30% dans le bâtiment et même 40% pour les services marchands contre seulement 20% dans l'industrie. Ces chefs d'entreprises chiffrent d'ailleurs l'impact sur leur activité à l'horizon de l'événement à environ +10% par rapport à une activité normale.
Un budget équivalent à seulement 0,08% du PIB francilien
Responsable du département économique de la Banque de France en Île-de-France, Maëlan Le Goff a planté le décor. Des millions de visiteurs attendus qui vont devoir se loger, se nourrir et se déplacer à la soixantaine d'infrastructures construites ou rénovées en région parisienne en passant par les importants moyens de sécurité nécessaires, les leviers d'activité sont nombreux et considérables. En apparence en tout cas.
Vincent Biausque a ainsi cité quelques chiffres qui tendent à relativiser l'ampleur de l'événement. D'après des estimations, les travailleurs qu'emploient sur ses chantiers la Solideo, société en charge de la livraison des ouvrages olympiques, représentent seulement 1% des emplois dans le secteur de la construction en région parisienne.
En ce qui concerne le budget public des Jeux olympiques et paralympiques, les 2,4 milliards d'euros n'équivalent qu'à 0,08% du PIB de l'Île-de-France sur quatre ans ou encore 0,04% des dépenses publiques en France sur quatre ans. "Ces ordres de grandeur nous permettent de relativiser l'ampleur de l'événement et nous font prendre conscience qu'en Île-de-France, c'est au niveau micro de certains secteurs d'activité, certaines entreprises et certains territoires que les choses peuvent s'analyser et avoir un impact important", insiste le représentant de l'Insee Île-de-France.
"L'Île-de-France est un territoire avec beaucoup d'entreprises très dynamiques et formées et beaucoup de compétitions sportives qui ont lieu en permanence. Quelque part, les JO sont dans la continuité de ce qu'il se passe depuis plusieurs années."
Pour illustrer le risque de tension que constitue l'événement au niveau microéconomique, Vincent Biausque évoque l'exemple des métiers de la sécurité et du surplus de 20.000 postes attendus pour les JOP, ce qui représente environ un tiers du nombre de personnes travaillant dans ce domaine en région parisienne.
Une hausse du nombre de visiteurs étrangers mais pas d'explosion
L'un des indicateurs les plus utilisés pour estimer les retombées économiques des Jeux olympiques est l'affluence touristique. Selon Vincent Biausque, le nombre de touristes et de nuitées en Île-de-France devrait être assez conforme à la moyenne mais l'adjoint à la directrice régionale en charge des JOP Insee Île-de-France met l'accent sur les excursionnistes, c'est à-dire les personnes qui vont se déplacer à la journée pour assister à des compétitions. "C'est sans doute l'enjeu principal en termes de logistique et de flux de transports de personnes sur un territoire pendant un temps donné", explique-t-il.
"On attend environ 12,5 millions de personnes qui vont se déplacer à la journée pendant la période des JOP, ce qui est très au-dessus de ce qui se passe en période normale."
En d'autres termes, une augmentation du nombre de visiteurs étrangers est bel et bien envisagée mais pas une explosion. "On a une situation de concurrence internationale au niveau de l'attractivité des villes et donc un événement comme celui-là sert de vitrine pour attirer de nouvelles personnes", souligne l'expert
Selon lui, la question la plus pertinente n'est pas "y aura-t-il plus de personnes qui vont venir à Paris après les Jeux?" mais plutôt: "S'il n'y avait pas eu les Jeux, quel aurait été l'impact à long terme sur le tourisme en Île-de-France?" En ce sens, il compare les métropoles mondiales à des entreprises: "Il faut continuer à faire de la pub pour se maintenir sur le marché du tourisme international".
Pas d'effet "waouh" à Londres
Si Vincent Biausque se veut aussi mesuré quant aux répercussions économiques de l'événement, c'est car le précédent londonien de 2012 appelle à la prudence.
"Il n'y a pas eu d'effet "waouh" lié aux Jeux Olympiques à Londres en termes de nombre de touristes, de nuitées ou de dépenses par touristes par nuitées à Londres. On est plutôt dans la continuité sur une moyenne période, entre 2009 et 2014."
Il indique notamment que le nombre d'admissions aux principales attractions comme les musées londoniens a baissé en août, ce qui peut s'expliquer par le bouclage de certains quartiers de la capitale britannique mais aussi le profil différent des personnes qui sont venus à Londres sur cette période par rapport aux mois d'août habituels.
"Il n'y a ni effet "waouh" ni une désertion complète de la capitale pendant un événement comme celui-là."
Par ailleurs, le taux d'occupation des hôtels a certes atteint 88,5% sur la période des JO, soit cinq points de plus que la moyenne habituelle, mais ce chiffre reste "loin des 100% d'occupation qui étaient théoriquement atteignables." De son côté, Jean Pascal Prevet, de la Banque de France, confirme que la mesure de l'impact des Jeux olympiques est complexe mais se veut optimiste: "Globalement, on sent bien que c'est positif pour l'économie [francilienne], ça ne va pas changer totalement la physionomie des entreprises en Île-de-France […] Il y a un enjeu de long terme car si on réussit les JO, l'image de l'ïle-de-France et de Paris sera à l'avenir un élément positif pour l'attractivité du territoire".