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Investissements étrangers: la France toujours devant le Royaume-Uni et l'Allemagne (mais elle doit créer plus d'emplois)

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Pour la quatrième consécutive, c'est en France que les entreprises étrangères ont annoncé le plus de projets d'investissements en Europe, selon le cabinet EY. Le pays continue de rattraper son retard mais doit encore attirer davantage de grands projets créateurs d'emplois.

1259. C'est le nombre de projets d'investissement recensés en 2022 par le cabinet EY qui publie son baromètre annuel* de l'attractivité des économies européennes. Il s'agit du nombre le plus élevé pour les investissements en France depuis 2010. Il est en légère progression de 3% par rapport à 2021.

Les investissements étrangers en France battent un nouveau record.
Les investissements étrangers en France battent un nouveau record. © EY

Pour la quatrième année consécutive, la France reste la locomotive européenne des investissements étrangers. D'abord avec une progression plus importante: le nombre d'investissements n'a progressé que de 1% en Europe (5962 en 2022) et a même reculé dans certains pays dans un contexte inflationniste et de resserrement du crédit. C'est le cas du Royaume-Uni (-6%), de l'Allemagne (-1%) et de l'Espagne (-10%).

Mais surtout l'Hexagone reste la destination privilégiée pour les investisseurs avec 1259 projets annoncés sur l'ensemble de l'année dernière contre 929 pour le Royaume-Uni, 832 pour l'Allemagne et 324 pour l'Espagne.

Depuis 2017, le nombre de projets d'investissements étrangers est de 1118 en moyenne par an quand il était de 549 par an sur la période 2010-2015.

La France seul pays à plus de 1000 investissements étrangers.
La France seul pays à plus de 1000 investissements étrangers. © EY

Dans ce contexte favorable, trois régions ont tiré leur épingle du jeu en 2022. D'abord l’Île-de-France qui reste en tête du classement régional français avec 326 investissements, en hausse de 12% sur un an. La région parisienne est d'ailleurs devenue le premier territoire en Europe devant le Grand Londres (299), la Rhénanie-du-Nord-Westphalie en Allemagne (277) et Berlin (168).

Mais d'autres régions ont connu des taux de croissance encore plus fort comme les Hauts-de-France (+24% avec 133 projets) et la Nouvelle Aquitaine (+28%, 102 projets).

Autre bonne nouvelle pour le pays, l'industrie reprend des couleurs et confirme sa convalescence observée depuis quelques années. Les industriels étrangers pensent désormais plus à la France qu'à aucun autre pays du continent européen lorsqu'il s'agit d'investir.

547 projets ont été annoncés en 2022 (+13%), c'est plus de deux fois plus que le deuxième du classement (la Turquie) et loin au-dessus du Royaume-Uni (175) et de l'Allemagne (106).

547 projets industriels étrangers annoncés en France en 2022.
547 projets industriels étrangers annoncés en France en 2022. © EY

"L’industrie est (re)devenue un moteur de l’attractivité de la France: 4 projets sur 10 en 2022 (547 sur 1259) sont une implantation ou une extension d’usine et la disponibilité d’énergie décarbonée reste, malgré la crise énergétique actuelle, le principal atout de la France pour les dirigeants industriels, constate EY. Autre confirmation du nouvel ADN de l’attractivité hexagonale, la France est "championne d’Europe de l’innovation" avec 144 centres de R&D accueillis, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne."

L'inflexion sur l'industrie est notable puisqu'avant la crise sanitaire, les projets industriels ne représentaient que 34% des investissements étrangers (40% en 2022) et même à peine 27% en 2016.

Pas assez de quartiers généraux d'entreprises

Les forces de la France selon les dirigeants internationaux interrogés sont la disponibilité d'énergie décarbonée (49% le citent), de main d'œuvre qualifiée (39%) et la qualité de vie (38%).

Alors que le Royaume-Uni est empêtré dans son Brexit et que l'Allemagne pâtit de sa stratégie de dépendance au gaz russe et produit une électricité très carbonée, la France est de nouveau sur les tablettes des décideurs de la planète.

Pour autant, si l'Hexagone rattrape son retard après des années de sous-investissement relatif par rapport à ses voisins, ce renouveau ne doit pas masquer des faiblesses qui restent toujours présentes.

Le pays peine toujours à attirer des quartiers généraux d'entreprises étrangères. Avec 78 projets concernant des centres de décision en 2022, leur nombre a reculé l'année dernière (93 en 2021) et l'Hexagone fait toujours moins bien que son concurrent britannique, pourtant fragilisé par le Brexit (133 projets).

"La situation apparaît d’autant plus inquiétante qu’à peine 10% des dirigeants étrangers que nous avons interrogés prévoient d’implanter ou d’étendre leurs centres de décision en France au cours des trois prochaines années, observe EY. Le Royaume-Uni, en dépit du Brexit, maintient son pouvoir d’attraction dans des secteurs prometteurs, comme la tech."

La France n'est plus une terre d'exil pour les investisseurs, mais les projets, s'ils sont nombreux, restent encore timides en terme d'importance et de création d'emplois.

Une trentaine d'emplois par projet

Les 1259 projets d'implantations recensés par EY ont été générateurs de 38.102 emplois, soit une trentaine en moyenne par site. En comparaison, le Royaume-Uni fait mieux avec 50 emplois (46.779 au total en 2022), ainsi que l'Allemagne avec 40 emplois (33.548 au total) et surtout l'Espagne avec des unités à 120 emplois de moyenne (total de 39.104).

Car ce sont encore principalement des extensions de site plus que des créations ex nihilo pour lesquelles la France est privilégiée. Sur les 1259 projets en France, seulement 35% sont des implantations dites "greenfield" quand ce taux est de 65% en Allemagne et de 70% au Royaume-Uni.

"Les nombreuses réformes entreprises en France ces dernières années – allègement des charges sociales sur les bas salaires, réformes du droit du travail – ont permis de faire reculer certains handicaps pesant sur la compétitivité et l’attractivité de la France, relève EY. Mais elles semblent encore loin d’être suffisantes pour entraîner la création d’emplois: la Chambre de commerce américaine en France (AmCham) note par exemple que "de profonds efforts restent à fournir en matière de législation sociale, de coût des licenciements et de coût du travail".

Malgré les politiques de l'offre mises en place ces dernières années, le coût horaire du travail demeure plus élevé en comparaison avec nos principaux concurrents européens selon Rexecode : 41,80 euros de l'heure en France au troisième trimestre 2022 dans l’industrie et les services marchands contre 39,80 euros en Allemagne, 28,70 euros en Italie et 23,10 euros en Espagne. La moyenne dans la zone euro se situant à 34,20 euros.

*Depuis 1997, l’EY European Investment Monitor (EIM) recense le nombre de projets d’investisseurs étrangers dans une quarantaine de pays européens, y compris en Turquie. Le recensement prend en compte les annonces publiques et fermes d’investissements porteurs de créations d’emplois et les vérifie. Ces flux d’implantation et d’extension se situent dans une très grande variété d’activités et de secteurs, mais en excluant certains dont la logique d’implantation relève de facteurs d’attractivité, certes intéressants, mais structurellement différents des implantations industrielles, décisionnelles ou technologiques (tels que les hôtels, les surfaces de vente ou de restauration).

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco