"Journée d'alerte économique": quand les patrons allemands descendent dans la rue

Des manifestants participent à un rassemblement lors de la journée nationale d'alerte économique (Wirtschaftswarntag), le 29 janvier 2025 à Berlin. - Tobias SCHWARZ / AFP
Une image inhabituelle. Des manifestants se sont rassemblés devant la Porte de Brandebourg , à Berlin, et ailleurs en Allemagne, mercredi 29 janvier, à l'appel d'une centaine de fédérations patronales allemandes qui veulent ainsi alerter les candidats aux élections législatives sur le "déclin" de l'économie allemande et appeler à des réformes urgentes.
"L'économie allemande se contracte. Les entreprises nationales délocalisent. Les investisseurs internationaux restent à l'écart. Notre attractivité en tant que place économique décline rapidement", pointent les lobbies patronaux qui attendent du futur gouvernement de "prendre la mesure de cette crise et agir avec détermination".
L'automobile allemande particulièrement en difficulté
Les entreprises familiales, industries du textile et autres entreprises du commerce de gros qui se rangent derrière le mouvement, revendiquent pêle-mêle une réduction des charges administratives, des impôts plus bas, une diminution des coûts énergétiques, un droit du travail plus flexible, ainsi que des mesures pour freiner l'augmentation des cotisations sociales.
Un secteur est particulièrement à la peine: l'automobile, en particulier les équipementiers, avec les géants Bosch, Continental et ZF annonçant tour à tour des milliers de suppressions d'emplois, quand d'autres plus petits acteurs se retrouvent en redressement judiciaire.
"La situation est grave. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps", a réagi sur X le chef de l'opposition conservatrice allemande, Friedrich Merz.
"Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’un leadership clair en matière de politique économique et de sécurité. Pas d’expériences idéologiques, mais un plan déterminé pour l’avenir", a-t-il ajouté.
Favori dans les sondages en vue des élections fédérales fin février, le chef de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) espère succéder au chancelier social-démocrate Olaf Scholz, dont le camp est en mauvaise posture après l'éclatement de son gouvernement de coalition.
Pourtant ministre jusqu'à peu de ce gouvernement de coalition, Marco Buschmann, secrétaire général du FDP, a lui aussi pris la parole sur X pour apporter son soutien aux manifestants et critiquer le gouvernement en place. "Le fait que les entreprises se sentent obligées de demander une journée d'alerte économique parce que le ministre de l’Économie n’a toujours pas compris ce qui se passe est un constat dramatique", a déclaré le membre du parti libéral-démocrate.
La prévision de croissance 2025 revue à la baisse
Les manifestations organisées par les patrons allemands ont eu lieu alors que le gouvernement d'Olaf Scholz a annoncé aujourd'hui une baisse de sa prévision de croissance à 0,3% de l'économie allemande pour 2025, contre 1,1% attendu à l'automne. La Fédération allemande de l'industrie (BDI) prévoit pour sa part une troisième année de récession, estimant que l'Allemagne traverse une "crise profonde".
L'Allemagne "est dans une situation de stagnation" et cela globalement depuis 2018, a déclaré le ministre écologiste de l'Économie Robert Habeck, soulignant notamment l'incertitude sur la politique économique et commerciale de la nouvelle administration Trump.
La première économie européenne sort de deux années de récession, avec un recul du PIB de 0,3% en 2023 puis de -0,2% en 2024, sans signe d'un rebond net à court terme. Depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre russe contre l'Ukraine, l'économie allemande stagne en raison de la hausse des prix de l'énergie, de la perte de pouvoir d'achat et de la baisse globale de compétitivité face à la concurrence accrue, notamment de la Chine.
"Une crise structurelle doit être abordée différemment, de manière plus globale, qu'une phase de faiblesse conjoncturelle", a reconnu Robert Habeck devant la presse.
Les problèmes touchent au manque de main-d'oeuvre et de compétences, à la bureaucratie excessive et la faiblesse des investissements, tant privés que publics.
Le rapport conclut cependant sur une note plus positive, prévoyant une "légère reprise économique" à partir de la fin de l'année, alors que davantage de clarté devrait émerger du contexte national et international.