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Un chômage au plus haut en 4 ans, des taux d'emprunt encore plus élevés qu'en France... Le Royaume-Uni veut amadouer Donald Trump pour "sauver" son économie

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Londres va accueillir en grande pompe le président américain. Dans un pays à l'économie atone, la visite de Donald Trump doit se traduire par des investissements records et des "cadeaux" en matière de droits de douane.

Le faste de la Couronne pour impressionner Donald Trump. Le Royaume-Uni va jouer la carte du soft power royal lors de la visite du président américain à Londres. Au programme: un salut royal au château de Windsor avec le roi Charles et la reine Camilla, suivi d’un cortège en calèche au château de Windsor. Dans la foulée, le couple présidentiel déposera une gerbe sur la tombe d'Elisabeth II avant d'assister à un défilé militaire qui sera survolé par des F-35 américains accompagnés de la patrouille acrobatique de la Royal Air Force, les fameux Red Arrows.

Londres va mettre les petits plats dans les grands pour amadouer Donald Trump. Il rencontrera jeudi le Premier ministre Keir Starmer à Chequers, sa résidence officielle de campagne à 70 km de Londres, et repartira le soir même aux Etats-Unis. Objectif: cajoler l'imprévisible président. Il lui avait transmis en personne dans le bureau ovale l'invitation du roi en février, soulignant devant les caméras que cette deuxième invitation était "sans précédent". Cette stratégie lui a permis d'amortir l'impact des droits de douane et de garder notamment un canal de communication sur l'Ukraine, au menu des discussions, et le Moyen-Orient.

Des taux d'emprunt plus haut de la France

Car Londres a plus que jamais besoin de Washington sur le plan économique. Les mauvaises nouvelles s'accumulent au Royaume-Uni. Les finances publiques sont en souffrance et le pays emprunte même à des taux bien plus élevés que la France (4,64% pour le "10 ans" contre 3,49% pour Paris).

"L'emprunt s'envole par rapport à l'an dernier ce qui peut être vu comme le signe que le gouvernement a perdu le contrôle des finances publiques du Royaume-Uni", observait en juillet dernier auprès d'Alliance News Kathleen Brooks, analyste chez XTB.

L'économie "réelle" est aussi touchée. Si la croissance se maintient pour le moment à un niveau correct, le taux de chômage au Royaume-Uni est resté à son sommet en quatre ans, à 4,7%, pour les trois mois achevés fin juillet, selon les chiffres de l'Office national des statistiques (ONS) mardi. Le chiffre du chômage progresse régulièrement depuis le début de l'année et avait atteint fin mai ce niveau qui n'avait plus été vu depuis 2021.

"Le marché du travail continue de s'affaiblir dans un contexte économique morose", résume Yael Selfin, économiste en chef chez KPMG UK, pour qui "la demande de travailleurs a fortement chuté en raison d'une activité économique plus faible et de coûts de main-d'oeuvre plus élevés pour les entreprises".

Celles-ci avaient vu début avril l'entrée en vigueur d'une hausse des cotisations patronales, prévue par le premier budget du gouvernement travailliste dévoilé en automne dernier, ainsi que des nouveaux droits de douane "réciproques" imposés par les Etats-Unis. Pour les trois mois achevés fin juillet, "les entreprises nous ont encore indiqué qu'il y avait moins d'emplois", a détaillé Liz McKeown, directrice des statistiques économiques de l'ONS. Mais le rythme de baisse des offres d'emplois "semble ralentir".

Comme si ça ne suffisait pas, la hausse des prix est repartie outre-Manche. L'inflation a grimpé au Royaume-Uni en juillet à 3,8% sur un an, tandis que la croissance a calé sur la même période, selon les derniers chiffres officiels, faisant monter la pression sur le gouvernement travailliste à l'approche de la présentation du prochain budget - prévue le 26 novembre.

La crainte de hausses d'impôts

Pour trouver les milliards de livres qui manquent, les Britanniques spéculent depuis des mois sur de nouvelles hausses d'impôts qui pourraient être annoncées à cette occasion par la ministre des finances, Rachel Reeves.

"L'incertitude entourant le budget d'automne pourrait influencer les embauches", reprend Yael Selfin, jugeant que "certaines entreprises pourraient choisir de reporter leurs décisions de recrutement jusqu'à ce que les changements fiscaux potentiels soient plus clairs".

Dans ce contexte, Londres se tourne plus que jamais vers Washington. Après s'être précipité pour signer un accord commercial avec Donald Trump afin d'éviter le bras de fer (10% contre 15% de droits de douane sur l'UE), le Royaume-Uni compte désormais signer une série d’autres accords avec le président. Notamment sur les exportations d'aciers et d'aluminium. Le pays a été relativement épargné avec une taxe de 25% (contre 50% pour la plupart des autres pays) mais espère encore réduire la facture sur des quotas de métaux exportés.

Par ailleurs, Keir Starmer compte aussi sur Donald Tump pour des partenariats technologiques et énergétiques pour dynamiser une économie atone. Le géant Blackrock a déjà annoncé 500 millions de livres (578 millions d'euros) d'investissements dans des centres de données. Google a promis ce mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle.

7 Britanniques sur 10 désapprouvent le gouvernement

Londres et Washington vont de plus signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays. Baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy" cet accord devrait permettre comme l'espère le Premier ministre de bâtir "un âge d'or du nucléaire" avec les Etats-Unis.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars. De quoi donner du tonus à l'économie du Royaume et du répit à un gouvernement désapprouvé par 69% des personnes interrogées selon un sondage publié ce 8 septembre.

Frédéric Bianchi (avec AFP)