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Trump: après le canal de Panama, celui de Suez

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Après le canal de Panama, Donald Trump a désormais dans son viseur celui de Suez. Il exige la gratuité pour les navires américains mais est-ce bien réaliste?

Nous ne souhaitons plus passer à la caisse. C’est en somme le message de Donald Trump.

“Les navires américains, à la fois militaires et commerciaux, devraient être autorisés à transiter, gratuitement, via les canaux de Panama et de Suez”, a-t-il posté sur son réseau social.

L’argument du président américain? “Ces canaux n'existeraient pas sans les États-Unis d’Amérique".

D’une, c’est historiquement inexact s’agissant du canal de Suez – construit par la France et l’Egypte - mais surtout difficile de voir le rapport. Le fait est qu'aujourd’hui ces canaux existent, qu’ils sont gérés par deux États souverains, et que tous les navires les empruntant règlent la note.

Risque de nouvelles frictions

Le Panama ne voit pas pourquoi les navires américains devraient être exemptés. Son président rappelle que les droits de péage sont réglementés par l'Autorité du canal de Panama - un organisme autonome qui administre la voie d’eau interocéanique. "Il n'existe aucun accord contraire", insiste José Raúl Mulino.

L’équipe de Donald Trump tente un rapprochement avec le pays d’Amérique centrale non sans quelques tensions. En février, elle affirmait que le Panama avait donné son accord pour ne plus faire payer la traversée aux navires américains. Immédiatement les autorités locales criaient au "mensonge".

Plus récemment, le chef du Pentagone a été contredit lorsqu’il évoquait un possible retour des troupes américaines pour "sécuriser" la voie navigable. Face à l’insistance de Trump, les rapports pourraient se tendre encore davantage entre les deux pays.

Une contrepartie?

Si le canal de Panama représente 5% du commerce maritime mondiale, celui de Suez représente plus du double. C'était du moins le cas avant le début des attaques Houthis en mer Rouge et dans le golfe d'Aden. En 2024, l'Égypte a déclaré 60% de perte soit 7 milliards de dollars.

Donald Trump avait-il déjà dans l’idée de demander la gratuité à l’Egypte lorsqu’il a ordonné des frappes massives sur les rebelles chiites? On peut se poser la question. Peut-être voit-il cela comme une contrepartie au service rendu.

Mais en Egypte, sa demande ne passe pas non plus. Pas de réaction officielle mais de nombreux commentaires. Des élus proches du pouvoir dénoncent une remise en cause de la souveraineté nationale quand un journal local accuse l’administration américaine "d’intimidation".

Levier financier

Les Etats-Unis pourraient-ils faire pression sur l’Egypte? En tous cas, ils disposent d’un levier. Ils fournissent chaque année environ 1,3 milliard de dollars d’aide militaire. Une somme cruciale pour l’armée qui lui sert notamment à acheter des armements auprès d’entreprises américaines.

Rappelons que lorsque l’administration Trump a gelé l’aide étrangère internationale, deux pays ont été exemptés dont l’Égypte. Le levier financier existe donc toujours.

Pour faire céder les autorités égyptiennes, le président américain pourrait-il aussi menacer de ne plus frapper les Houthis? Dans ce cas, ce serait perdre c’est un moyen de pression important dans ses négociations avec l’Iran.

Lors de son premier mandat, Trump affirmait qu’Abdel Fattah Al Sissi était son "dictateur favori". Mais le président égyptien ne peut pas se permettre d'apparaître faible dans un contexte économique difficile.

Les deux pays sont alliés mais l’Egypte développe de plus en plus ses liens avec Moscou et Pékin. Et permettre aux navires américains de transiter gratuitement via le canal de Suez cela pourrait faire des jaloux.

Caroline Loyer