Seulement 7 centimes de plus à la pompe pour le moment: 2 scénarios dans la guerre Israël/Iran pourraient vraiment faire exploser les prix du baril

De la fumée se dégage au-dessus d'une raffinerie à Téhéran, en Iran, après des frappes venues d'Israël, le 15 juin 2025 - ATTA KENARE / AFP
Les marchés des hydrocarbures sont plongés dans le brouillard de la guerre. Les cours du pétrole et du gaz continuent à fluctuer, près d'une semaine après le début de l'offensive israélienne sur l'Iran, alors que l'hypothèse d'une intervention américaine persiste.
Les cours du pétrole grimpent légèrement, ce mercredi 18 juin, renforçant la forte hausse enregistrée mardi, après l'exclusion de toute reddition de l'Iran par l'ayatollah Ali Khamenei dans son conflit avec Israël. Le prix du gaz européen progressant lui aussi avec ces tensions.
A 15 heures, les prix du baril de Brent se situaient autour de 75 dollars, contre 68 dollars mercredi dernier (+10%). Cela devrait faire grimper les prix à la pompe en France de 7 centimes par litre dans les deux ou trois prochaines semaines (en tenant compte qu'une augmentation d'1 dollar du baril correspond approximativement à 1 centime d'euros à la pompe).
Cette hausse reste mesurée par rapport aux risques, alors que 20% de la production mondiale de pétrole transite au large des côtes iraniennes par le détroit d'Ormuz.

A ce stade, le transport maritime n'est pas perturbé de manière significative dans la zone. Les navires continuent à y circuler. Cette situation peut toutefois évoluer.
La stratégique île de Kharg
Les prix pourraient partir nettement à la hausse si certaines installations pétrolières iraniennes étaient visées par Israël. En dépit des sanctions américaines, Téhéran a réussi à maintenir des exportations élevées, dirigées essentiellement vers la Chine.
Le site américain Axios mentionne notamment la possibilité de frappes israéliennes sur la petite île de Kharg, près des côtes iraniennes, où transite 90% du pétrole exporté par Téhéran.
L'or noir y est stocké dans des réservoirs très rapprochés les uns des autres. Cela pourrait faciliter leur destruction et restreindre considérablement les possibilités pour l'Iran d'exporter ses hydrocarbures.

Une intense activité est signalée autour de l'île de Kharg depuis le début de l'offensive israélienne.
Les exportations iraniennes auraient augmenté de 44% par rapport à la même période l'année dernière, selon les données de TankerTrackers.com, une société spécialisée dans la surveillance des pétroliers clandestins qui suit donc de près les activités iraniennes, citée par Bloomberg.
"Ils essaient de sortir le plus de barils possible", indique Samir Madani, le cofondateur de TankerTrackers à Bloomberg.
L'hypothèse de frappes israéliennes sur l'île avait déjà été évoquée en octobre dernier, lors d'un précédent affrontement entre Téhéran et Tel-Aviv.
Une raréfaction du pétrole iranien aurait probablement un effet à la hausse sur les prix du pétrole. Une analyse de Goldman Sachs estime que les prix du baril pourraient grimper jusqu'à 90 dollars après la perte de la production iranienne, puis retomber vers 60 dollars le baril en 2026 à mesure que l'offre se rétablirait, rapporte le New York Times.
Dans une note consultée par BFM Business, Deutsche Bank envisage un scénario plus modéré, avec une réduction de seulement 50 % des exportations iraniennes sans perturbation majeure.
Dans ce cas, la flambée des prix du pétrole serait limitée aux alentours des niveaux actuels. Il s'agit de l'hypothèse retenue en ce moment par le marché selon les analystes de la banque allemande.
"Baril à 124 $"
Le scénario le plus redouté reste un blocage du détroit d'Ormuz par l'Iran. Selon les calculs de la Deutsche Bank, une fermeture pendant deux mois pourrait pousser les prix du baril de brent à 124 dollars au troisième trimestre 2025.
Ce niveau n'a pas été atteint depuis 2012 (le record historique est à 145 $ le baril en juillet 2008). Cet ordre de grandeur est confirmé par Stephen Innes, de Spi AM, qui parle d'un possible prix à 130 dollars.
La "réouverture du détroit pourrait prendre de quelques semaines à deux mois", relève la la Deutsche Bank, s'appuyant sur les déclarations d'un ancien amiral américain.
Dans ce cette hypothèse, les prix seraient orientés à la hausse une période relativement longue. La Deutsche Bank ne prévoit un retour sous la barre des 90 dollars qu'à la fin de l'année 2026. Cela ferait certainement pression sur la croissance mondiale, déjà poussive.
Le poids de la Chine
Toutefois, un tel blocage pénaliserait l'Iran lui-même, en perturbant ses exportations de pétrole, importantes pour sa fragile économie. Elle seraient également gênantes pour la Chine, le principal importateur de l'or noir iranien.
Pékin achète ce pétrole, visé par des sanctions américaines, avec une décote, ce qui lui permet d'alimenter son économie avec un carburant bon marché.
Surtout, la Chine, et les pays asiatiques de manière générale, sont les principaux clients du pétrole extrait au Moyen-Orient. 75 % du pétrole transitant par le détroit d'Ormuz est à destination de l'Asie, relève l'Agence internationale de l'énergie dans son rapport de l'année 2024. Il en est de même pour les flux de gaz naturel liquéfié (GNL). Un blocage du détroit serait donc très pénalisant.
"Il m'étonnerait fort que la Chine donne son feu vert à un blocage", expliquait donc l'économiste Philippe Chalmin, spécialiste des matières premières, sur le plateau de BFM, ce lundi 16 juin.
"L'Iran ne pourra pas fermer le détroit d'Ormuz sans un plan B pour continuer à approvisionner la Chine", confirme la société TankerTrackers sur X.
Sans aller jusqu'à une fermeture, le conflit pourrait toutefois perturber le trafic, faisant grimper le coût de l'assurance ou de la location des pétroliers.