Salaires, lutte contre l'inflation: la Russie lance un plan pour amortir le choc économique des sanctions

Un plan de résilience russe. Le plan de soutien national, annoncé hier à Moscou, sera lancé pour un "proche avenir", a expliqué Vladimir Poutine. Le chef de l’Etat russe veut faire de ce nouveau plan une réponse à un "blitzkrieg économique" occidental contre son pays.
Y compris dans cette situation d'asphyxie par l'extérieur, Vladimir Poutine assure que la tâche de réduire le niveau de pauvreté et d’inégalités reste tout à fait "réalisable". Et à cet effet, il a livré ses instructions pour un relèvement de toutes les prestations sociales, de l’allocation de minimum vital aux pensions de retraite, en s'engageant aussi sur une augmentation du bulletin de paie de l’ensemble des travailleurs du secteur public.
Les montants extraordinaires qu’il va falloir sortir des caisses de l’Etat ne sont pas encore indiqués, hormis ceux de l’aide au secteur agricole de quelque 220 millions d’euros (au cours actuel). Mais le président Poutine a affirmé que la banque centrale "n’aura pas besoin d’imprimer de l’argent".
Il insiste: "Nous avons des revenus, des revenus de marchés, des revenus sains. Le problème maintenant n’est pas l’argent, nous avons les ressources", dans une référence récurrente aux réserves budgétaires et monétaires reconstituées ces dernières années.
Dans le propos du Kremlin, les principales difficultés exposées ne relèvent seulement que de "la disponibilité des composants, des équipements et des matériaux", et puis d’une "nouvelle organisation" à trouver par les chefs d’entreprise. En cela, le président russe réclame du secteur privé qu’il trouve les "solutions requises" dans une "liberté entrepreneuriale maximale", l'objet devenant que les "structures" de l’économie en soient profondément modifiées. En toute logique, l’Etat devrait alors renoncer à sa domination sur l’économie nationale, ce qui ne semble pas vraiment à l'ordre du jour.
Fixation du prix "juste"
Pour l’heure, l'exigence du pouvoir politique, c’est une maîtrise exprès de l’inflation. Il est requis des autorités régionales qu’elles "surveillent attentivement une augmentation déraisonnable des prix". Un retour du pilotage des étiquettes comme au temps jadis, un éditorialiste du quotidien économique Kommersant n’y croit pas. Anatoly Kostyrev appuie sa démonstration sur le cas symptomatique de la pénurie actuelle de sucre dans les rayons. Le bureau du procureur général a ordonné, mardi, une "vérification des informations" autour de cette denrée de plus en plus rare à trouver. Mais, le journaliste économique invite, lui, ceux qui sont tentés par une fixation du prix "juste", à "se souvenir des mécanismes de marché (...), sinon les étagères vides des magasins vont devenir une image beaucoup plus familière".
Des études d’économistes russes de la banque Sberbank et du centre de recherche NAFI, rendues publiques hier, montrent que le seul poste de dépenses des ménages qui continue de croître est celui de l’alimentation, en soulignant combien la population emmagasine de la nourriture pour les "temps difficiles" qui s’annoncent. Les analystes de la banque autrichienne RBI, jusqu'ici l'établissement d'Europe occidentale le plus exposé au marché russe, eux vont jusqu'à envisager l'hypothèse d'une "perte de prospérité" de la Russie comparable à celle qu'a subi l'Iran, après sa révolution de 1979.
Le pouvoir central s’emploie, pour le moment, à rassurer les gens quant à la disponibilité des produits d’usage courant. Hier, le ministère de l’Industrie et du Commerce a ainsi fait savoir qu’aucun risque n'existe de manquer de serviettes hygiéniques et de couches pour bébé, en exposant les niveaux de production nationale et de stocks… Les familles russes décideront de s’en convaincre ou non dans les semaines à venir.
Les citadins ont le plus à perdre
Le Kremlin considère, en même temps, que la réponse à de telles inquiétudes doit d'abord relever des autorités régionales. Un décret dans ce sens a été pris hier, afin de leur accorder des compétences supplémentaires car, toujours d’après le président Poutine, les responsables de régions sont les mieux à même de prendre les décisions "opérationnelles" qui conviennent au citoyen.
Pour une spécialiste russe reconnue de la géographie économique nationale, ce sont pourtant les habitants de la capitale, davantage que ceux du pays profond, qui vont le plus ressentir l’ampleur d'un choc majeur. Natalia Zoubarevitch, professeur à l'Université d'Etat de Moscou, insiste ainsi sur le fait que le revenu par habitant à Moscou s'avère deux fois plus élevé qu’à l’échelle nationale.
Plus globalement, dans l'analyse de cette universitaire qui avait théorisé un concept des "quatre Russies", ce sont les citadins, parce qu'ils ont plus à perdre, et non les villageois qui subiront le plus durement les effets du ralentissement économique à venir. C'est alors tout un mode de consommation post-soviétique qui s'effrite pour eux, quelles que soient les mesures promises hier.