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Plus de 400 kilos d'uranium enrichi, des dizaines de sites: comment le complexe nucléaire iranien résiste aux attaques

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Ciblées par les bombardements israéliens au cours des derniers jours, les installations du programme nucléaire iranien sont particulièrement difficiles à endommager durablement.

C'est le coeur du programme nucléaire iranien. Samedi 21 juin, une source militaire israélienne a affirmé que l'armée avait à nouveau frappé "le site nucléaire d'Ispahan", dans le centre du pays, plus d'une semaine après le début de la guerre entre l'Iran et Israël. L'armée avait déjà annoncé des frappes dans ce secteur au premier jour du conflit, le 13 juin, et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) avait indiqué jeudi que le laboratoire chimique central du site, une usine de conversion de l'uranium, une usine de fabrication de combustible pour réacteurs et l'installation de traitement de l'uranium métal enrichi avaient été endommagés.

Si le centre de recherche et de technologie nucléaire d'Ispahan est autant stratégique, c'est car il rassemble pas moins de sept installations qui permettent de réaliser les processus chimiques nécessaires à la transformation du minerai d'uranium en matière première pouvant être enrichie. Surtout, c'est le dernier endroit où les inspecteurs de l'AIEA ont vu le stock iranien de 409 kilos d'uranium hautement enrichi après l'arrêt des visites la semaine dernière à cause des assauts israéliens.

Des dégâts limités jusqu'à présent

Il y a un mois, Téhéran avait déclaré à des diplomates prévoir des "mesures spéciales" afin de protéger ce stock en cas d'attaque israélienne mais l'AIEA n'a pas connaissance de ces mesures et ne sait pas si l'uranium enrichi se trouve toujours à Ispahan. Or, l'agence a précisément pour mission principale de recenser les stocks d'uranium dans le monde et de veiller à ce qu'ils ne servent pas à fabriquer des armes nucléaires. La situation iranienne est donc problématique car les stocks d'uranium du pays peuvent remplir 16 petits conteneurs et donc être transportés facilement d'un site à l'autre du complexe nucléaire.

Et ce complexe nucléaire iranien en compte des dizaines dans lesquels travaillent des milliers de scientifiques et d'ingénieurs. Alors que l'AIEA a signalé des dégâts sur plusieurs installations du site d'Ispahan après les frappes israéliennes, l'un de ses anciens inspecteurs Robert Kelley les qualifie de "très faibles" auprès de Bloomberg, précisant qu'elles ciblaient sans doute des lieux de forte concentration du personnel clé. Même constat après les attaques sur la centrale d'enrichissement de Natanz dont les installations électriques endommagées peuvent être réparées en seulement quelques mois selon les experts.

"Ils ont fait des dégâts mais ont laissé beaucoup de choses intactes", estime Robert Kelly.

Et pour cause, les halls d'enrichissement souterrains de Natanz sont protégés par 40 mètres de terre, d'acier renforcé et de béton.

Un recours indispensable à la bombe américaine GBU-57?

Le site sur lequel l'État-major américain a les yeux rivés est aujourd'hui celui de Fordo, construit sur le flanc d'une montagne à une profondeur de près de 100 mètres. L'armée israélienne ne dispose pas des bombes lourdes et des avions furtifs B-2 pour pénétrer sur le site qui est hors de portée de ses projectiles. De plus petites munitions pourraient permettre de couper l'électricité sur place et d'atteindre les tunnels d'accès mais seule la puissante bombe anti-bunker américaine, la fameuse GBU-57, est à même de détruire les installations nucléaires iraniennes profondément enfouies.

Cette bombe de plus de 13 tonnes pour 6,6 mètres de long est unique car elle peut s'enfoncer très profondément dans la roche et le béton. La GBU-57 "a été conçue pour pénétrer jusqu'à 200 pieds (61 mètres) sous terre avant d'exploser", relève l'armée américaine. Contrairement à nombre de missiles ou bombes qui font détonner leur charge au moment de l'impact, ces ogives anti-bunker s'enfoncent d'abord dans le sol pour exploser uniquement une fois l'installation souterraine atteinte. Les avions américains B-2 sont par ailleurs les seuls à pouvoir larguer cette bombe qu'ils peuvent transporter par deux.

Timothée Talbi