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Mexique: pourquoi la réforme judiciaire inquiète les investisseurs étrangers

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Au Mexique, le président sortant vient de faire passer une réforme judiciaire. Une loi qui inquiète la population et les investisseurs étrangers.

Au Mexique, une réforme constitutionnelle vient d’être approuvée par le Sénat. Elle fait du pays le premier au monde à désigner tous ses juges par un vote populaire, y compris ceux de la Cour suprême. Les opposants au texte redoutent, entre autres, que les futurs magistrats soient vulnérables aux pressions du crime organisé et du pouvoir.

Ces dernières semaines, plusieurs banques, dont Morgan Stanley, ont fait part de leurs inquiétudes. Il en est de même pour les investisseurs étrangers.

"Le gouvernement pourrait perdre deux années très importantes. L’impression que le pouvoir judiciaire n’est pas indépendant limitera les investissements", Luis de la Calle, directeur d'un cabinet mexicain de conseil économique.

Concrètement, la crainte est que les juges fassent passer des considérations politiques ou personnelles avant le respect de la loi.

Les analystes estiment que le gouvernement pourrait passer à côté de milliards de dollars à cause de cette réforme. Le peso mexicain ne cesse de chuter, atteignant la semaine dernière son plus bas niveau en deux ans par rapport au dollar.

Les États-Unis préoccupés pour l’avenir des relations commerciales

Washington déplore "une menace" pour les relations commerciales bilatérales. Alors même que le Mexique a supplanté la Chine en tant que premier partenaire commercial de son voisin du Nord.

Le pays a su tirer profit de la rivalité entre Pékin et Washington en s’imposant comme un intermédiaire. Depuis le déclenchement de la guerre douanière entre les deux puissances, la Chine a notamment accéléré ses investissements dans l’industrie mexicaine.

Caroline Loyer : Mexique, les investisseurs inquiets - 12/09
Caroline Loyer : Mexique, les investisseurs inquiets - 12/09
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Parmi les entreprises étrangères qui ont décidé de l’expansion de leurs activités au Mexique figurent le géant technologique taïwanais Foxconn, sous-traitant d'Apple, le géant danois du jouet Lego ou encore Mattel.

Les investissements étrangers y ont battu un record l’an dernier (36 milliards de dollars). Le Mexique a par ailleurs engrangé la plus forte hausse de part des importations américaines entre 2016 et 2023.

Après les commentaires de Washington sur la réforme, fin août, le gouvernement mexicain a dénoncé une "ingérence" et suspendu ses relations avec l’ambassadeur des États-Unis à Mexico.

La nouvelle présidente promet de mener à bien la réforme

Claudia Sheinbaum partage la vision de son prédécesseur. Ils viennent du même parti de gauche (Morena). Première femme présidente du pays, elle doit prendre ses fonction le 1er octobre et souhaite aussi poursuivre la politique interventionniste d’Andrés Manuel Lopez Obrador pour soutenir l’économie mexicaine.

La situation financière de l'Etat reste délicate. La croissance, qui était de 3,3% en 2023, devrait être de l’ordre de 2,4% cette année. L'inflation est persistante à l’image de la contestation populaire qui ne s'essouffle pas. Les détracteurs du texte manifestent toujours malgré le vote de la loi. Mardi, des dizaines d’entre eux ont réussi à franchir les barrières de sécurité et à s’introduire dans l’hémicycle, forçant le Sénat à se délocaliser pour la suite des débats.

Andrés Manuel Lopez Obrador, qui est dans une démarche de consolidation de son héritage, défend sa réforme. Il estime qu’elle aidera à lutter contre la corruption. Selon les ONG, au Mexique, 90% des crimes restent impunis.

Caroline Loyer