Le Mexique va-t-il vraiment avancer l'âge de la retraite à 53 ans (58 ans aujourd'hui) pour les enseignantes comme l'affirme Mélenchon?

La présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, lors du 114e anniversaire de la révolution mexicaine sur la place du Zocalo à Mexico, le 20 novembre 2024. - Rodrigo Oropeza / AFP
Le Mexique va-t-il vraiment avancer l'âge de la retraite des enseignants? C'est ce qu'a affirmé ce mardi Jean-Luc Mélenchon dans un message sur X.
"La Présidente de gauche Claudia Sheinbaum a signé pour abaisser l'âge de 58 à 53 ans pour les femmes et de 60 à 55 ans pour les hommes, d'ici à 2034. Et en France le Medef et la macronie veulent retarder au-delà de 64 ans", a partagé le leader de la La France Insoumise.
Dans un pays qui connaît lui aussi un vieillissement de sa population avec notamment un indice de fécondité de 1,8 enfant par femme (le même qu'en France), est-il possible d'imaginer un avancement de l'âge légal de départ en retraite? Et ce alors que la majorité des pays occidentaux prennent le chemin inverse.
Et pourtant c'est bien le cas. Le Mexique va progressivement abaisser l'âge de départ à la retraite pour les enseignants du secteur public. La borne va passer à 53 ans pour les femmes (au lieu de 58 ans) et 55 ans pour les hommes (au lieu de 60 ans) d'ici 2034.
Les premières devront avoir au moins 28 ans de service, les seconds 30 ans. L'âge diminuera d'un an toutes les deux années civiles détaille le gouvernement mexicain.
Il s'agit d'une promesse de la présidente de gauche Claudia Sheinbaum, en réponse à un mouvement social important des syndicats d'enseignants ces dernières semaines.
Ces derniers accusaient Claudia Sheinbaum, élue sur un programme de progrès social, de "néolibéralisme" selon le quotidien espagnol El Pais alors qu'ils manifestaient pour obtenir l'abrogation de la réforme des retraites adoptée dans le pays en 2007, sous Felipe Calderón.
Seulement 25 à 30% des enseignants
Celle-ci a remplacé le système de retraite par répartition des fonctionnaires, dans lequel l'Etat garantissait une pension calculée en fonction des derniers salaires, par un système de capitalisation où les agents publics cotisent pour eux-mêmes sur des comptes individuels.
Si le leader de la France Insoumise semble avoir raison, il fait néanmoins apporter des précisions concernant cette réforme qui est loin de faire l'unanimité parmi les syndicats mexicains.
Tous les enseignants ne bénéficieront d'une retraite dès 53 ou 55 ans.
Seront concernés les enseignants du régime dit "décimo transitorio" ISSSTE (ceux en poste avant 2007 sous l’ancien système).
"Ce groupe représente aujourd'hui environ 25 à 30% des fonctionnaires", note El Pais.
Les autres, donc la très grande majorité des enseignants du pays, resteront placés dans le système de retraite dit Afores, autrement dit ils pourront prétendre partir seulement à l'âge de 65 ans pour une pension complète, avec le capital accumulé sur leur compte personnel comme le note le média El Economista.
La mesure sur les retraites est complétée par une augmentation salariale de 9% (inflation à 4,51% sur un an), répartie entre le salaire de base des enseignants et leurs avantages sociaux poursuit le quotidien espagnol, qui observe que cette division est critiquée par certains syndicats.
Pensions très faibles
Le gouvernement de Claudia Sheinbaum précise que la réforme de l'âge de départ à la retraire coûtera 1,63 milliard d'euros (36 milliards de pesos mexicains), mais selon d'autres estimations, la note pourrait grimper jusqu’à 3,6 milliards d'euros (80 milliards de pesos).
La piètre qualité du système de retraite mexicain est un problème de longue date dans le pays, confronté à l'accélération du vieillissement de sa population.
Le nombre de personnes ayant plus de 65 ans sera multiplié par huit entre 1990 et 2050 pour atteindre 31,5 millions, relève la Direction générale du Trésor (DGT), un organe rattaché au ministère français de l'Économie, dans une note publiée en 2019.
"Le taux de remplacement au Mexique (29,6%) est le plus faible de l’OCDE ; seuls 31 % des Mexicains cotisent suffisamment pour recevoir une retraite ; 2,5 millions d’individus ne bénéficient d’aucune pension", détaille la DGT.
Un retraité mexicain touchait alors en moyenne 300 euros par mois et les femmes seulement 232 euros (1626 euros brut en moyenne France selon la Drees).
Les dépenses publiques pour les retraites ne représentaient que l'équivalent de 3,9% du PIB mexicain en 2018 contre environ 14% aujourd'hui en France (12,3% en moyenne dans l'UE) selon l'Insee, tout en étant une charge importante pour le budget de l'Etat mexicain (17% du total) qui peine à apporter davantage de financement.
Les jeunes financent l'ancien système
Selon la DGT, la faiblesse des pensions s'explique en partie par le passage à un système de capitalisation, que certains responsables politiques comme Edouard Philippe voudraient développer en France.
"Si le nouveau système est essentiellement autofinancé, l’ancien s’appuie sur des transferts intergénérationnels (les cotisations prélevées sur la population active alimentent les pensions de retraite versées au même moment). La génération post-réforme subit ainsi une forte pression: ils cotisent pour eux-mêmes et pour financer le système précédent", note la DGT qui ajoute que l'importance du travail dans le secteur informel amenuise également le niveau de cotisation des Mexicains.
Autrement dit, la réforme mexicaine -plus avantageuse pour les plus anciens enseignants- sera financée par les générations d'après, qui elles devront attendre l'âge de 65 ans pour partir à la retraite avec une pension complète soit 10 à 12 ans de plus que leurs aînés.