Jimmy Carter, un président américain obsédé par l'inflation

L'héritage économique de Jimmy Carter ne restera certainement pas comme son plus grand fait d'armes. Alors que les hommages du monde entier se multiplient pour louer les convictions humanistes de l'ancien président américain, décédé ce 29 décembre à l'âge de 100 ans, rares sont ceux qui osent s'aventurer sur ce terrain.Dans un contexte marqué par la succession de deux chocs pétroliers aux conséquences très importantes, l'ancien président américain, a fait de la lutte contre l'inflation et la consolidation budgétaire, sa seule et unique boussole. Au détriment du pouvoir d'achat des ménages et de la lutte contre le chômage, conduisant le pays dans une grave crise sociale à la fin des années 80.
Départ en trombe
Pour autant, tout avait si bien commencé pour le président démocrate. Après la sévère récession due au premier choc pétrolier, l'économie américaine se révèle dès son arrivée au pouvoir en 1976. Mieux, lors des trois premières années de son mandat, les indicateurs sont au vert. La croissance repart avec une hausse du PIB d'environ 5% sur la période triennal.Le taux de chômage, qui avait atteint un pic de 9% en 1975, chute à 5,6% dans les premiers mois de 1979. Des millions d'emplois sont créés. Si bien que l'administration Carter peut s'enorgueillir du fait que la création d'emplois dans le secteur privé est plus importante que sous n'importe quelle autre mandature depuis 1950, hormis Clinton. Le revenu médian des ménages, quant à lui, progresse de 5% entre 1976 et 1978.De quoi donner raison, à première vue, à la politique économique menée par Jimmy Carter. Dès son arrivée à la magistrature suprême, le chef de l'État annonce la couleur: pas de question de s'appuyer sur un plan de relance pour retrouver la croissance, comme le souhaite de nombreux démocrates. Le risque inflationniste étant trop important selon lui. Malgré plusieurs mesures destinées à lutter contre le chômage, le président américain sabre dans la dépense publique, notamment dans la dépense sociale. Au grand dam d'une partie de son propre camp.
Obsession pour l'inflation
Parallèlement, Jimmy Carter abandonne un vaste projet de couverture maladie universelle pour tous les Américains. Ses proches dénoncent les "surenchères" de l'aile gauche des démocrates pour justifier de l'échec de la réforme. Mais la vérité est ailleurs. Là aussi, le président apparaît préoccupé par le coût pour les finances publiques de ce dispositif et de ses conséquences sur l'inflation. Véritable obsession pour Jimmy Carter depuis le premier choc pétrolier.
Sous sa mandature, un département Energie est créé afin de proposer des solutions à une potentielle hausse brutale des prix de l'énergie. Dans cette optique, le démocrate lance un vaste mouvement de libéralisation économique. Cette dérégulation qui touche les secteurs du pétrole et du gaz, (mais aussi des transports et des communications) doit, dans l'esprit de Jimmy Carter, favoriser la concurrence et faire baisser les tarifs pour le consommateur. Là aussi, les résultats semblent donner raison au président américain. Les prix des billets d'avion et les coûts du fret, par exemple, diminuent.
Aveuglement
Cependant, l'administration Carter va finalement se casser les dents. Le deuxième choc pétrolier change complètement la donne. Aveuglé par les bons résultats des premières années de son mandat, le président américain choisit, lui, de ne pas remettre en question sa politique économique. Pour répondre à l'envolée des prix suite à la crise énergétique, le chef de l'Etat décide de mettre en œuvre un plan d'austérité. Parallèlement, il nomme Paul Volcker à la tête de la Réserve fédérale américaine, qui décide de mener une politique monétaire restrictive.Cette lutte contre l'inflation se fait au prix d'une récession particulièrement sévère aux États-Unis: des milliers d'emplois sont détruits, le taux de chômage s'envole, les ménages voient leur pouvoir d'achat se réduire... La classe moyenne et ouvrière ne lui pardonneront pas. En 1980, Jimmy Carter est largement battu par Ronald Reagan, 41% contre 50,8%. Le républicain s'engouffre dans la brèche ouverte par son prédécesseur, accélérant les politiques de dérégulation dans l'économie américaine.