"Je rentre des États-Unis pour mes affaires, ce que j'y ai vu est bien loin de ce qu'on en dit en France"

"Je rentre des États-Unis, j'y vais souvent pour mon business puisqu'on a une grande partie de nos activités qui sont de l'autre côté de l'Atlantique. Et je peux vous dire qu'il y a une grande différence entre le moral des personnes là-bas et le traitement de l'information chez nous en France et plus généralement en Europe.
Toutes les annonces qui sont faites là-bas perturbent beaucoup moins le moral des patrons et de nos salariés sur place que chez nous. C'est assez paradoxal puisqu'ils ont leur Bourse qui a dégringolé, l'inflation qui peut remonter, la monnaie qui se déprécie… Mais ils ne sont pas démoralisés.

Quand on aborde la partie politique avec eux comme on le fait en France, ils n'évoquent même pas ces problèmes de droits de douane. C'est leur quotidien qui les intéresse. D'accord, ils voient la Bourse baisser mais après 20 ans de hausse. Et s'ils n'ont pas besoin de l'argent immédiatement ce n'est pas très grave pour eux.
Moi je suis arrivé là-bas avec plein d'a priori parce qu'on a une mauvaise information de ce que vivent les Américains.
"On est plus inquiets pour eux qu'eux-mêmes!"
Sur Trump, ils se disent très simplement qu'il ne restera pas éternellement et que la page se tournera bien vite. Et d'ici là on trouvera des solutions. Le paradoxe c'est qu'on est plus inquiet pour eux qu'ils ne le sont eux-mêmes!
Pourquoi je dis tout ça? Parce que je crains que les effets de la politique Trump finissent par être plus néfastes chez nous que chez eux. En lui donnant trop d'importance, en se focalisant sur cette guerre commerciale, on finit par décourager l'investissement chez nous et on en vient à bloquer notre propre économie.
Ça c'est le premier problème. Mais le second est bien plus grave. Avec notre obsession pour Trump on en oublie le véritable danger: la Chine. La Chine est une menace un million de fois plus grande, selon moi, que les agitations de Trump. Dans mon secteur d'activité, de nombreuses industries se sont fracassées sur la concurrence chinoise. Sur les prothèses dentaires par exemple, ce sont les Chinois qui nous prennent des parts de marchés.
"La Chine sera toujours là"
Nous avons pourtant des plateformes de production déjà numérisées et robotisées. Mais sur un produit équivalent ils arrivent à sortir des produits deux à trois fois moins chers. À tel point que même la Mutualité française va acheter ses prothèses en Chine maintenant. C’est quand même un comble! Et bien sûr sans que les patients ne soient informés...
Et dans mon autre business, celui des aligneurs dentaires, si les Chinois arrivent demain avec les mêmes dispositions, ils peuvent aussi tuer le marché. Car ils innovent à mort, ils ont des prix imbattables et le numérique leur a donné un avantage qu'on ne mesure pas. Avant c'était une activité compliquée pour eux. Il fallait envoyer les empreintes de dent par avion, ça se déformait avec le froid et le produit n'était pas de bonne qualité.
Aujourd'hui, ils ont formé des milliers de "petites mains" dans tout le pays et il suffit de leur adresser un fichier numérique pour qu'ils fabriquent à un prix imbattable grâce à leurs salariés qui n'ont pas de jours fériés, moins de vacances, des créneaux horaires plus larges et des cadences infernales.
Voilà la réalité de nombreux marchés aujourd'hui. Et c'est ça qui inquiète vraiment les entrepreneurs des deux côtés de l'Atlantique. L'Amérique est et restera un grand marché pour nous et un partenaire commercial. Trump passera. Mais la Chine, elle, est un concurrent. Et elle sera toujours là."