Faire du "'Made in India' une obsession mondiale": l'Inde se rebiffe et appelle au boycott de produits américains

Donald Trump en conférence de presse avec le Premier ministre indien Narendra Modi, à la Maison Blanche, le 13 février 2025. - Andrew Harnik / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
De McDonald's à Coca-Cola en passant par Amazon et Apple, les multinationales américaines font face à des appels au boycott en Inde, orchestrés par des partisans du Premier ministre Narendra Modi, en réaction aux droits de douane américains. Donald Trump a ciblé l'Inde avec des surtaxes douanières de 50%, l'un des taux les plus élevés imposés à un partenaire commercial des États-Unis, ce qui pénalise lourdement les entreprises locales.
Cette décision marque une nouvelle escalade dans la querelle qui oppose le président américain au gouvernement de Narendra Modi depuis l'échec de cinq séries de pourparlers commerciaux bilatéraux, New Delhi résistant aux demandes de Washington d'ouvrir son marché aux produits agricoles et laitiers américains et refusant de réduire ses achats de pétrole russe.
Dimanche, Narendra Modi a lancé un "appel spécial" à l'autosuffisance, déclarant lors d'un rassemblement à Bangalore que les entreprises technologiques indiennes fabriquaient des produits pour le monde entier, mais que "le moment est venu pour nous d'accorder une plus grande priorité aux besoins de l'Inde". Il n'a cité aucune entreprise.
Soutenir le "Made in India"
Sur les réseaux sociaux et en ligne, les appels au boycott de marques américaines présentes en Inde se sont multipliés. Manish Chowdhary, cofondateur de la société indienne Wow Skin Science, a publié sur Linkedin une vidéo appelant à soutenir les agriculteurs et les start-up afin de faire du "Made in India" ("fabriqué en Inde") une "obsession mondiale", en s’inspirant de la Corée du Sud, dont les produits alimentaires et cosmétiques sont renommés dans le monde entier. Il a regretté que les Indiens achètent fièrement des produits étrangers, tandis que leurs fabricants locaux peinent à se faire remarquer.
Le groupe Swadeshi Jagran Manch, proche de la formation politique Bharatiya Janata de Narendra Modi, a organisé dimanche de petits rassemblements publics à travers toute l’Inde, appelant la population à boycotter les marques américaines.
"Les gens s'intéressent désormais aux produits indiens. Il faudra un certain temps pour que cela porte ses fruits", a déclaré à Reuters Ashwani Mahajan, coorganisateur du groupe. "C'est un appel au nationalisme, au patriotisme."
Sur les réseaux sociaux, l'une des campagnes du groupe est un graphique intitulé "Boycott des chaînes alimentaires étrangères", avec les logos de McDonald's et de nombreuses autres marques de restaurants.
L'Inde, un marché stratégique pour les États-Unis
L'Inde, pays le plus peuplé du monde, est un marché clé pour les marques américaines, qui se sont rapidement développées afin de cibler une base croissante de consommateurs aisés, dont beaucoup restent fascinés par les marques internationales, perçues comme des symboles d'ascension sociale.
À Lucknow, dans l'État de l'Uttar Pradesh situé dans le nord du pays, Rajat Gupta, 37 ans, dînait lundi dans un restaurant McDonald’s, appréciant son café à 49 roupies (0,48 euro). "Les droits de douane relèvent de la diplomatie et mon McPuff et mon café ne devraient pas y être mêlés", a-t-il déclaré.
L'Inde, par exemple, est le plus grand marché en nombre d’utilisateurs pour la messagerie Whatsapp de Meta, et Domino’s y compte plus de restaurants que toute autre chaîne. Les boissons comme Pepsi et Coca-Cola dominent souvent les rayons des magasins, tandis que les files d’attente se forment dès l’ouverture d’un nouveau magasin Apple ou lorsqu’un café Starbucks propose des remises.
McDonald's, Coca-Cola, Amazon et Apple n'ont pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires de Reuters.
En dépit des protestations contre les droits de douane, le constructeur automobile américain Tesla a inauguré lundi un deuxième espace de vente à New Delhi, en présence de nombreux responsables du ministère indien du Commerce et de l'ambassade des États-Unis.