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Élections au Royaume-Uni: comment se porte l'économie britannique?

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Effets du Brexit et du Covid, envolée des prix et services publics à bout de souffle... Après des années de crise successives, les électeurs britanniques se rendent aux urnes ce jeudi avec l'espoir de profonds changements.

Après la France, au tour de nos voisins britanniques de se rendre aux urnes pour choisir leur nouveau Premier ministre. Les élections législatives qui se tiennent ce jeudi 4 juillet outre-Manche devraient sauf surprise mettre un terme à 14 ans de pouvoir conservateur alors que les sondages prédisent une large victoire du camp travailliste mené par Keir Starmer.

En cas de victoire, celui qui succédera à Rishi Sunak au 10 Downing Street a promis de "reconstruire" le pays dont l'économie porte encore les stigmates du Brexit et de la pandémie de Covid-19. Car si le Royaume-Uni a enregistré une croissance meilleure qu'attendu au premier trimestre (+0,6%) selon l'Office for National Statistics (ONS), il est entré en récession technique sur la seconde moitié de 2023, affichant une baisse du PIB de 0,3% au quatrième trimestre après -0,1% au trimestre précédent. Les plus mauvais chiffres (hors pandémie) depuis la crise financière de 2009.

Malgré un rebond de l'activité début 2024, l'OCDE estime même que le Royaume-Uni réalisera la pire performance des pays du G7 l'an prochain avec une croissance de 1% en 2025, principalement en raison de taux d'intérêt toujours et d'une inflation têtue.

L'activité plombée par le Brexit et le Covid

L'économie britannique n'est évidemment pas la seule à avoir été fragilisée par le retour de l'inflation. Mais à la différence des autres, elle continue de pâtir du Brexit. D'après l'agence Bloomberg, le PIB outre-Manche a progressé de 6% depuis le vote de 2016, contre +24% au sein de l'Union européenne. La banque Goldman Sachs estime de son côté que la sortie de l'UE a fait perdre 5 points de croissance aux Britanniques face aux économies comparables.

Mesurer précisément l'impact du Brexit reste un exercice difficile sachant que la pandémie de Covid-19 a clairement participé au déclin de l'économie britannique. Toutes les études s'accordent néanmoins sur le fait que le retrait du Royaume-Uni de l'UE l'a amplifié. Un récent rapport de Cambridge Econometrics commandé par le maire de Londres estime notamment que le Brexit a coûté 140 milliards de livres (162,75 milliards d'euros) par an, soit 6% de l'économie britannique.

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Le commerce extérieur a été le premier pénalisé. Avec le rétablissement des barrières non tarifaires, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l'Union européenne ont chuté dès 2021. Si cet impact ne semble avoir été que temporaire, "les échanges de services avec l'UE ont été plus durablement affectés, en particulier les services financiers et de transports", observent les économistes du Trésor dans un rapport. L'investissement des entreprises a pour sa part stagné depuis 2016. Au 2e trimestre 2023, il était "plus de 20% en-dessous du niveau qu'il aurait atteint s'il avait poursuivi la dynamique observée entre le premier trimestre 2010 et le deuxième trimestre 2016", souligne encore le Trésor.

"Le Brexit a coûté très cher. Ce sont essentiellement les ménages en difficulté qui ont souffert parce que cela a entrainé une diminution du commerce essentiellement avec l’UE (…), un renchérissement des produits d’alimentation, de l’énergie... Aujourd’hui on peut dire que c’est dans une grande souffrance économique et sociale que les électeurs se rendent aux urnes", résume sur BFM Business Patrick Martin-Genier, professeur à Sciences-Po.

Manque de bras

Autre effet lié au Brexit: la pénurie de main-d'oeuvre. L'emploi des travailleurs européens a en effet stagné depuis 2016, contraignant les entreprises à faire davantage appel à des travailleurs extra-européens, sans pour autant parvenir à compenser intégralement l'absence des européens. Selon l'ONS, le nombre d'emplois vacants a continué d'augmenter ces derniers mois, à 904.000 postes en mai. Ce qui témoigne de la difficulté des entreprises britanniques à recruter.

"Beaucoup de travailleurs ont été obligés de partir, n’ont plus eu de titres de séjour pour travailler, notamment dans les services publics. On manque considérablement de main-d’œuvre au Royaume-Uni, c’est un marché du travail extrêmement dégradé", analyse Patrick Martin-Genier.

L'inflation amplifiée par la sortie de l'UE

Comme dans les pays de l'UE, l'inflation britannique a nettement ralenti ces derniers mois pour se rapprocher de l'objectif des 2%. Reste que le Royaume-Uni a davantage été touché par la hausse des prix que ses voisins en raison des barrières non tarifaires rétablies en raison du Brexit.

La hausse cumulée des prix alimentaires entre fin 2019 et début 2023 (+25%) aurait été 8 points inférieure sans sortie de l'Union européenne, d'après le Center for economic policy research (CEPR). L'augmentation de l'ensemble des prix à la consommation (+18,7%) aurait quant à elle été 1,3 point plus faible.

Paradoxalement, le taux de chômage progresse depuis plusieurs mois, tout en restant à un faible niveau, à 4,4% fin avril. "Le taux de chômage a globalement augmenté" depuis la deuxième moitié de 2022, "malgré une période de baisse au cours du second semestre" de l'an dernier, a précisé l'ONS. Ce chiffre est en tout cas en nette hausse depuis le niveau de 3,8% affiché fin 2023.

A ces difficultés sur le marché du travail s'ajoute une baisse relative de la productivité, selon l'organisme de prévision bugétaire OBR (Office for budget responsability) qui a estimé en avril que l'accord commercial conclu avec l'UE ferait baisser sur le long terme la productivité de 4% par rapport à l'époque où le Royaume-Uni faisait partie de l'UE.

Des services publics en crise

Principale préoccupation des Britanniques après le coût de la vie et de l'immigration, la crise des services publics, qui nourrit le sentiment de déclin économique outre-Manche s'est imposé comme l'un des thèmes majeurs de la campagne des législatives. "C’est un point clé de la campagne. La grande difficulté aujourd’hui, ce sont les services publics", confirme Patrick Martin-Genier.

La pandémie de Covid-19 a en effet mis en évidence un système de santé à bout de souffle. Dans le même temps, les tribunaux sont débordés, des collectivités font faillite et des dizaines d'établissements scolaires sont même menacés d'effondrement en raison de la vétusté des bâtiments.

Raison pour laquelle l'une des mesures principales des travaillistes consiste à augmenter la fiscalité pour financer la rénovation de tous ces services publics. Mais ni la TVA, ni l'impôt sur le revenu ni les cotisations sociales ne devraient être concernés. Les marges de manoeuvre risquent donc d'être limitées. D'autant que, comme le rappelle Le Monde, le Labour a promis de respecter la même règle de sérieux budgétaire que les Conservateurs en cas d'arrivée au pouvoir. En l'occurence: baisser d'ici à cinq ans la dette publique qui atteint aujourd'hui 101% du PIB.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco