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Corée du Sud: un coup de poker qui pourrait coûter cher

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En Corée du Sud, le président risque la destitution après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale ce mardi.

Dernier développement d’une série d’évènements surprenants: l’opposition parlementaire sud-coréenne annonce le dépôt d'une motion de destitution contre le président Yoon Suk Yeol.

La population s’est réveillée soulagée ce matin après des heures d’incertitude. Hier, vers 22 h 30 (heure locale), le chef de l'Etat apparait soudainement sur les écrans de télévision. Il impose la loi martiale.

Sidération générale. L’annonce ravive de douloureux souvenirs dans un pays toujours techniquement en guerre contre son voisin. Les habitants de Séoul descendent dans les rues. Les activités politiques sont interdites, les médias placés sous surveillance, des hélicoptères atterrissent sur le toit du parlement, des militaires sont déployés à l’intérieur.

Scène de chaos

Les députés, furieux, forcent l’entrée de l’Assemblée tandis que d’autres, barricadés à l’intérieur, refusent d’en sortir. Un peu plus tard, ils votent en majorité la levée de la loi martiale. Le président s’incline:

"Nous avons procédé au retrait des militaires qui avaient été déployés pour des opérations dans le cadre de loi martiale, après le vote des députés. Le conseil des ministres va accéder immédiatement à la requête de l'Assemblée nationale et va lever la loi martiale."

Mais pourquoi le président a-t-il pris cette décision en premier lieu? Il y a d’abord la version officielle. Dans sa déclaration télévisée, Yoon Suk Yeol a expliqué vouloir "protéger le pays des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments anti-étatiques".

Mais le moment choisi ne semble pas non plus étranger. La Corée du Sud est plongée dans une impasse politique depuis des mois, l’opposition libérale ayant remporté la majorité parlementaire en avril dernier. Yoon Suk Yeol ne parvient pas à faire passer les réformes promises. Son parti, le PPP, bataille d’ailleurs pour faire passer son budget 2025.

Et puis, la cote de popularité de celui qui a été élu avec seulement 0,7 point de plus que son adversaire en 2020 ne cesse de chuter en raison d'une série de scandales de corruption.

Cette décision de proclamer la loi martiale ressemble donc plus à la fuite en avant d’un président acculé qu’autre chose.

Démission ou destitution

Yoon Suk Yeol risque maintenant tout ce qu’il tentait d’éviter. C’est à dire la destitution. Le principal parti d’opposition annonce son intention de porter plainte pour "rébellion" contre lui ainsi que contre les ministres de la Défense et de l'Intérieur.

La classe politique, dont son propre pari, réclame sa démission. Le PPP, qui s’est totalement désolidarisé, planche sur son exclusion. Il pourrait aussi exiger la démission de l’ensemble du gouvernement.

La plus importante intersyndicale du pays, qui compte plus d’un million de membres, appelle à une "grève générale illimitée" jusqu’au départ de Yoon Suk Yeol, estimant qu'il a "signé sa propre fin au pouvoir ".

Le chef de cabinet du président et d'importants collaborateurs ont déjà présenté "en masse leur démission" selon l'agence nationale Yonhap. Alors Yoon Suk Yeol prendra-t-il ses responsabilités? Démission ou destitution, ce coup de poker devrait lui couter très cher.

Caroline Loyer