Bientôt des hordes de gros pick-up américains sur les routes européennes? L'accord commercial avec Trump a peut-être ouvert la porte à ces mastodontes très polluants

Un pick-up (image d'illustration) - François Lardat - Médiathèque PSA
Verra-t-on bientôt des hordes de pick-up, ces véhicules surdimensionnés très populaires aux États-Unis, sillonner les routes du Vieux continent? L'accord commercial conclu entre l'UE et les États-Unis fait craindre aux défenseurs de l'environnement que leur importation, jusqu'ici limitée, soit fortement assouplie.
Les aficionados les apprécient pour leur cabine surélevée et aux proportions très généreuses, leur motorisation puissante et leur plateforme ouverte. Mais pour leurs détracteurs, ce sont des "monstres" des routes, aux émissions de gaz à effet de serre débridées, conséquence de leur forte consommation de carburant.
Actuellement, ces pick-up américains comme le Dodge RAM (une des marques de Stellantis) ou le Ford F-150 ne peuvent être importés qu'au compte-goutte dans l'Union européenne, faute de respecter les normes européennes de sécurité, plus sévères qu'outre-Atlantique.
3 fois plus d'émissions de CO2
Mais dans leur accord commercial signé cet été, l'Europe et les Etats-Unis se sont engagés à reconnaître mutuellement leurs normes respectives en matière d'automobile, même si la Commission relativise la portée de cette disposition.
"Si c'était appliqué, deux décennies de progrès en matière de sécurité, de pollution de l'air et d'émissions de CO2 seraient annihilés du jour au lendemain", s'inquiète James Nix, de l'ONG Transport & Environnement (T&E).
L'association fait valoir que les RAM émettent en moyenne 347 grammes de CO2 par kilomètre, plus du triple de la moyenne des véhicules achetés l'an dernier en Europe (106 g/km).
L'appétit des automobilistes pour ces géants des routes est déjà en forte hausse. Environ 7.000 pick-up ont été vendus l'an dernier dans l'UE, contre quelques centaines six ans plus tôt, d'après T&E.
Des artisans ou des agriculteurs intéressés
Une demande sur laquelle US Trucks, un concessionnaire spécialisé établi à Bourg-Léopold, petite ville dans le nord-est de la Belgique, a misé avec succès. Dans son parking, plusieurs modèles tout aussi rutilants qu'imposants attendent de futurs clients.
"C'est tout simplement la combinaison entre un véhicule utilitaire et une voiture familiale confortable", fait valoir Dogan Yilmaz, propriétaire du magasin.
Souvent importés via l'Allemagne, ces véhicules "puissants" font surtout le bonheur de professionnels et de petites entreprises actives dans le BTP ou l'agriculture, dit-il. US Trucks, l'un des trois seuls distributeurs en Belgique, en vend ainsi jusqu'à une trentaine par an.
Outre les défenseurs du climat, les associations de lutte contre la violence routière s'insurgent contre la perspective de voir les pick-up se multiplier sur les routes.
Des craintes pour la mortalité routière
Des modèles "plus lourds, plus dangereux pour les autres automobilistes, les piétons et cyclistes, et qui sont totalement à contre-courant de la stratégie européenne en faveur des mobilités douces et de transports plus durables" résume Antonio Avenoso, qui dirige le Conseil européen de la sécurité routière (ETSC), une organisation non lucrative installée à Bruxelles.
Et de relever que de nombreux pick-up ne sont pas équipés de dispositifs de sécurité obligatoires en Europe, tels que les systèmes de freinage d'urgence ou d'aide au maintien dans la voie, ou l'interdiction des carrosseries aux angles trop acérés, qui réduit les blessures des piétons et cyclistes en cas de collision.
Pour les opposants aux pick-up, faciliter leur importation pourrait faire remonter la mortalité routière en Europe, alors qu'elle est environ trois fois plus faible qu'aux Etats-Unis. Un RAM a un capot tellement haut que le conducteur, en moyenne, ne peut pas voir un enfant de moins de dix ans placé juste devant, a calculé T&E.
"Nous n'allons certainement pas réduire nos propres normes"
L'accord UE/Etats-Unis ne précise pas quelles normes respectives pourraient être reconnues mutuellement, et quand. Interrogé par l'AFP, Olof Gill, un porte-parole de la Commission européenne, a cependant écarté tout relâchement des règles de sécurité au sein de l'UE.
"Il y a des domaines dans lesquels nous allons regarder ce qui peut donner lieu à une coopération, mais nous n'allons certainement pas réduire nos propres normes", a-t-il assuré.
De son côté, une porte-parole de l'Association des constructeurs d'automobiles européens (ACEA), le puissant lobby du secteur, a dit ne pas s'attendre à ce que "les normes essentielles soient affectées, comme les obligations en matière environnementale ou de sécurité", mais table "plus probablement sur une coopération autour des futures normes".